D'hier à aujourdhui

Je pense qu'il est important de garder une trace de notre vie. De se souvenir de nos erreurs, de nos chutes et de nos rattrapages. De nos envolées et de nos réussites. Peut-être, comme ils le disent, pour veiller à ne pas repasser sans cesse sur ses propres traces, tourner en rond, faire du sur-place. Mais... dans un premier temps, je tiens simplement à pouvoir me taper une bonne barre devant mes déboires passés. Alors je prends cette résolution de retracer ici tous les moments qui méritent d'être conservés. Bien sûr, même si, ayant quitté la faction des Sincères, je ne suis plus autant tenu de dire la vérité, je m'engage à ce que tout ce qui soit raconter au fil de ces pages soit cent pour cent véridique. ... Bon.
Disons quatre-vingt pour cent. Croix de bois, croix de fer.

Ce carnet a vachement la classe en fait, je devrais peut-être en offrir un à Jules. Quoiqu'il en a déjà, enfin je crois... Mouais, il est certainement moins beau. Puis je ne pourrai pas trouver cadeau plus gay qu'un journal intime pour son anniv. Je note. ( Je tiens tout de même à préciser que ceci n'est en aucune sorte un journal intime mais bien un moyen de sauvegarder des souvenirs. Comme un album photo quoi. Y'a pas marqué Violetta en haut, non plus. )

• Éveil
  
• UC
  
• UC
  
• UC
  

Hé oui, je commence par le commencement. Je sais, je sais, c'est plutôt courageux. Mais je veux tenir cette résolution en-tière-ment. Alors voilà.

En réalité je ne sais pas grand chose de ma naissance. À part ce que ma sœur, Sara, m'a raconté. Mais je n'ai aucune garantie de la véracité de ces propos. Or j'ai seulement droit à 20% de men... semi-vérités. Pourquoi j'ai pas investi dans un stylo effaçable déjà ? Bon, de toute façon il est évident qu'on ne peut me tenir rigueur pour ce que je ne sais pas être faux. Pour ce que je crois vrai. Je préfère préciser, je n'étais pas sûr que cela soit totalement compréhensible.

Il paraît donc - avec un modal, cette fois c'est certain qu'on ne peut m'en tenir rigueur - il paraît donc que je suis né à 16h30. L'heure du goûter. Du moins c'est à cet instant que la fameuse phrase « Félicitation, c'est un garçon ! » a retenti. Le travail, lui, a débuté au milieu de la nuit. Pour Sara, c'est la preuve incontestable que je suis plutôt un bon vivant et que je peux également être un véritable enfoiré quand je m'y mets. Toujours est-il que ma venue a été très bien accueillie par mes parents, qui souhaitaient justement avoir un garçon pour que leur petite famille gagne en équilibre et approche de la perfection. Mes parents m'ont même appelé Nathan, ce qui vient de "don" en langage hébraïque. Un don du ciel, voilà ce que j'étais pour eux. J'eus aussi droit à l'immense honneur de porter le prénom de mon grand-père en plus du mien. Celui-ci vient de Jacob, « que Dieu favorise ». C'est dire si je n'étais pas prédestiné à être une personne génialissime. Ma sœur en revanche, du haut de ses cinq ans, fut tout d'abord désespérée de voir sa vie toute chamboulée et de perdre ses avantages de fille unique. Nous avons souvent tendance à plaisanter là-dessus, disant que les défauts ou les manies que j'ai sont en partie la faute de Sara. Par exemple, que je mange trop vite parce qu'étant petit, elle avait l'habitude de chiper le moindre bout de nourriture que je n'avais pas encore eu le temps d'avaler. Mais sa jalousie s'est bien vite calmée. Après tout, comme le dit un grand sage - du moins je crois -, l'amour est la seule chose qui se multiplie lorsqu'elle est divisée.

Je suis donc né au sein de la faction des Sincères, à terme, comme ma sœur. Taille et poids dans la moyenne. Une petite vie tout à fait banale en somme.

Dans la vie d'un Aiden, tout lui réussi. C'est un peu devenu le dicton de la famille, bien que cela provienne, à l'origine, d'une certaine jalousie éprouvée par les proches. De générations en générations, la famille présentait des sincères plus respectables les uns que les autres. Et ni mon père, ni ma mère - bien qu'elle soit Aiden seulement par alliance - ne comptait s'éloigner de ce slogan. Devenus respectivement procureur et avocat de talent, notre avenir leur semblait acquis. Sara et moi étions supposé suivre leur pas jusqu'à devenir de parfait sincères, tout comme eux. Pour cela, rien de plus simple que de suivre l'éducation traditionnelle des Aiden.

Depuis mon plus jeune âge, j'ai été - comme Sara - installé dans une routine rassurante, chaque matin étant presque la réplique du précédent. Enfiler la tenue que notre mère nous avait préparée la veille, toujours stricte. Rejoindre notre père pour déjeuner, en prenant garde à ne surtout pas nous tâcher. Ensuite nous pouvions nous détendre un peu à l'école avant de rentrer pour prendre un goûter rapide et faire nos devoirs qui étaient ensuite vérifiés par nos parents à leur retour du tribunal. Je me souviens que le Jeudi était le jour de la semaine que je préfarais, et ce dès le début de ma scolarité. Ce jour-là, l'après-midi était consacré au cours de musique. Là-bas, j'ai découvert le chant et la musique pour la première fois. Une manière de m'évader, loin des regards.

Sara prenait des cours de piano à cette époque, je me rappelle des petites représentations que nous donnions à la famille. Je me souviens également que lorsque mon professeur de chant a dit à mes parents que mon oreille musicale me prédestinait pour ce domaine, ils ont beaucoup rit. Cela ne restait, bien entendu, qu'un passe-temps. Cette réaction pourrait sembler stricte à certains, voir méchante. Mais cela en était en réalité très loin et j'ai toujours respecté mes parents pour cela. Le destin en a finalement décidé autrement, mais si ma vie n'avait pas été chamboulée, je serais certainement un brillant homme de loi à l'heure actuel. Je ne sais pas si j'en serais malheureux. Je pense surtout que je réfléchirais différemment qu'actuellement, et aurais des attentes autres. C'est tout ce que voulait nos parents : que nous soyons nous aussi respectés. Je suis heureux qu'au moins un de leurs enfants soit allé jusqu'au bout du chemin.