Journal de Jonathan.

PROPRIÉTAIRE

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HUMEUR

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DATE

PAGE NUMERO

Docteur Smith

28 ans

Nostalgique

Photoshoot pour un magazine de science.

13 Juin

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Journal

Cher Journal,

Voilà plusieurs années que je n'avais pas écris sur ces pages jaunies par le temps. J'ai voulu faire le tri dans mes cartons hier, et certains n'avaient pas été ouverts depuis... bien trop longtemps. C'est comme ça que je t'ai retrouvé, au milieu de vieilleries dont j'avais presque oublié l'existence. Je ne te cache pas ma surprise quand je suis tombé sur ce livre à l'allure de grimoire. Cela me rend un peu morose de relire tous ces moments de ma vie que j'ai pu partager avec toi. Certains auraient pu vouloir incinérer un tel livre, mais tu sais bien comme l'être humain rejette tout ce qui est troublant, même ses propres souvenirs. J'ai cessé de vouloir les comprendre, les autres. Ceux qui oublient, qui évitent. Parce que je ne veux pas d'une vie faite de faux-semblants comme eux. Alors qu'ils fassent bien ce qui leur chante.

Je pense que tu m'auras permis de ne pas baisser les bras dans les instants les plus critiques. Alors il serait judicieux de te poursuivre, autant pour te remercier que pour me rappeler. Parce que je refuse d'oublier, je veux simplement tourner la page.

FICHE © LILIEBIA

PROPRIÉTAIRE

AGE

HUMEUR

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DATE

PAGE NUMERO

Jonathan

8 ans

Dubitatif

Prise par papa le jour de la rentrée

08 Septembre

1

Journal

Cher Journal,

Je crois que c'est ainsi que je dois m'adresser à toi. C'est ce que tout le monde dit quand il parle de journal intime. On doit commencer par Cher Journal, parce qu'on s'adresse directement à lui. Papa dit qu'un journal est comme un confident, et qu'à lui je vais pouvoir y déposer tout ce qui me tient à cœur. Je crois qu'il cherche simplement une nouvelle faon de me sortir de mon mutisme, et qu'il espère que par conséquent, je m'ouvre aux autres. Mais je trouve toute cette histoire grotesque. Ecrire dans un journal, ce n'est que se parler soit-même. Cela ne me rendra pas plus conformiste. Mais je suppose que c'est une façon d'extérioriser. Autant essayer, je n'ai rien à perdre.

J'ai donc reçu ce journal - qui ressemble plus à un grimoire que le petit carnet à combinaison que les autres enfants ont - pour mon anniversaire. Ce n'est absolument pas ce que j'avais commandé. Mais ce n'est pas moi l'adulte, ce n'est pas moi qui décide. Je pensais que c'était le concept de l'anniversaire, avoir un cadeau souhaité, mais apparemment pas pour mon père. Il me dit qu'avec ça, je pourrais relater les événements de ma nouvelle vie. Nouvelle vie, j'ai simplement changé d'école. Rien ne va vraiment évoluer. Les élèves ne sont pas différents d'une classe à l'autre. Il y a toujours les premiers de la classes, les brutes, les rigolos, les timides, et les moutons. Moi je suis le marginal. Celui que tous regardent avec des grands yeux d'ahuris, pointent du doigt et murmurent dans son dos. Que l'on finit toujours par oublier.

Aujourd'hui, un autre enfant est venu me parler. C'est le premier après une semaine de cours. Mais il est vite repartit. On ne discute pas avec quelqu'un qui ne nous répond pas. Mais je n'avais rien à lui dire. Il était simplet, formel, sans personnalité. Je n'avais pas besoin de sa compagnie, il n'aurait pas compris. Alors il est reparti vers ses amis, et ils se sont tous mit à rire. Ignorance. Il n'y a que ça qui fonctionne avec eux. Ceux qui rient de la différence. Parce que c'est ce que je suis. Eux et moi, on ne se comprend pas. Et c'est peut être mieux comme ça.

FICHE © LILIEBIA

PROPRIÉTAIRE

AGE

HUMEUR

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DATE

PAGE NUMERO

Jonathan

8 ans

Agacé

Aloysia

24 Octobre

31

Journal

Cher Journal,

J'ai encore du mal à commencer par cette phrase. Mais je crois qu'à force de persévérance, je vais m'y faire. Te tutoyer est déjà plus simple, bien que je trouve toujours l'idée en elle même totalement sotte.

A l'heure où j'écris aujourd'hui, il est 13h38. Je suis enfermé dans le placard à balais du couloir. Mes parents sont dans le salon, à prendre un apéritif avec Monsieur et Madame Callwin. Comme souvent le dimanche. Soit nous allons chez eux, soit ils viennent chez nous. Monsieur Callwin est un ami d'enfance de mon père, et ils ont gardés contact. Et je suis obligé d'assister à chaque repas. Le problème ne vient pas de ces gens. Ils essayent tant bien que mal de s'adresser à moi, mais je crois qu'ils ont compris que je ne répondrais pas. Leurs questions idiotes ne servent à rien. Comment t'en sors-tu à l'école ? ou Comment vont tes petits camarades ? Ce ne sont pas des questions intéressées. Ils sont justes formels, et meublent la conversation comme ils le peuvent. C'est ce qu'il ce passe toujours, dès qu'il y a un blanc, les adultes se sentent obligés de poser des questions aux enfants.

Non, le vrai problème c'est leur fille. Aloysia. Elle a le même âge que moi, à quelques mois près. Pourtant elle me dépasse, mais papa dit que c'est normal à notre âge, que les filles grandissent avant les garçons. Et que je la rattraperais un jour. Mais je me fiche de savoir si je serrais plus grand qu'elle, parce qu'une fois adultes, je ne la reverrais plus. Elle ressemble à tous ces enfants qui se jouent de moi. Elle se moque de mon comportement et s’obstine à me suivre partout en me posant des questions toutes plus intimes les unes que les autres. Sauf qu'elle, je ne peux pas l'éviter. Papa m'oblige à jouer avec elle, même si je ne veux pas. Alors je parviens à me cacher au moins un petit moment, pour avoir la paix.

Je l'entend m'appeler de l'autre côté de la porte. Elle sait que je suis ici, elle cogne contre le bois. Je me bouche les oreilles comme je peux, je ne veux pas l'entendre, je veux juste qu'elle parte. Je veux être seul, je suis mieux seul. Je sais déjà que si je sors, elle va m'attraper par le bras, me faire une scène et m'amener voir les parents. Mais je déteste ce contact physique. Elle me touche tout le temps, elle se sent obligée de poser ses mains sur moi à tout vas. Une main sur l'épaule, sur le bras, dans le dos. Elle me frotte les cheveux et cherche à embrasser mes joues. Comme si nous étions amis. Mais même après 8 ans à se voir presque toutes les semaines, je la fuis. Je n'ai pas peur, je ne veux juste pas qu'elle s'approche. Parce qu'elle n'est pas ce que j'aime. Aloysia est le genre de fille que l'on fuit et qui nous suit.

Je pense qu'il va quand même falloir que je sorte. Je ne pourrais même pas me réfugier dans ma chambre, parce qu'elle viendrait avec moi. Si je retourne m'installer à table avec les adultes, elle arrêtera au moins de me coller comme une sangsue. Elle fera bonne mine devant les parents, pour mieux m'en faire voir de toutes les couleurs la prochaine fois. Je la déteste, souhaite moi bonne chance.

Bonne chance.

FICHE © LILIEBIA

PROPRIÉTAIRE

AGE

HUMEUR

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DATE

PAGE NUMERO

Jonathan Smith

10 ans

Fâché

Salle d'attente du Cabinet de mon Psychiatre

15 Mars

425

Journal

Cher Journal,

Je suis en colère. Il n'avait pas le droit de me faire ça, je me sentais très bien ainsi. Mais non, ce n'est pas normal. Mais qu'est-ce qu'être normal ou anormal ? Ce que veut la société ? Ce n'est qu'une morale, qu'une éthique. On rejette la différence alors qu'elle est porteuse de richesses. Nous devons tous être conformes aux règles, des conduites semblables. Car au fond, il n'y a que le regard d'autrui qui conduit à la différence. Et mon père ne comprend pas que celui qui en souffre, ce n'est pas moi, c'est lui. Alors il a eu la riche idée de m'envoyer chez un psychiatre, comme on le fait avec les fous. Mais je ne suis pas fou.

Je sors de mon premier entretient. Monsieur Lecter semble gentil, mais je n'aime pas sa façon de procéder. Comme si je devais absolument lui parler, mais je n'en ai pas envie. Ni lui ni personne ne m'oblige à parler. Alors il m'a fait dessiner, comme l'on ferait faire à un enfant de quatre ans. Mais j'ai joué le jeu, parce qu'au moins de cette façon il ne m'harcelait plus. Il me regardait, simplement. Je n'aime pas sa façon de me regarder d'ailleurs. Elle est comme la mienne, trop analytique. Je n'ai pas dessiné, j'ai seulement écrit. Je ne suis pas malade. Et je lui ai rendu la feuille, sans rien dire. Je ne sais pas ce qu'il en a pensé, mais il n'a pas compris. J'ai un nouveau rendez-vous la semaine prochaine, et je ne veux pas y aller. Mais à dix ans, on ne décide de rien. Alors peut être qu'un jour il en aura marre de parler tout seul.

Je crois que ce qui a déclenché cette décision chez mon père, c'est l'événement de la semaine dernière. Aloysia et ses parents étaient de nouveau invités. Nous étions dans ma chambre. J'étais assis sur mon lit, et je lisais L’Écume des Jours de Boris Vian. Aloysia était là à me regarder, comme si elle attendait que j'agisse. Mais ne comprend-t-elle pas après dix ans que je n'ai aucune intention de lancer la conversation ? Mais elle persiste. Elle a posé sa main sur la mienne, et je l'ai rapidement retirée. Elle a fait son habituel "Oh Jonny, ne sois pas si distant, on se connaît assez toi et moi." Jonny, je déteste ce surnom. Il n'y a qu'elle qui me le donne en plus. Et alors que je replongeais dans ma lecture, elle a tenté l'inimaginable. Coller ses lèvres aux miennes, comme les adultes le font. Pour essayer. J'ai hurlé. Je ne l'avais jamais fait avant, pas depuis que j'ai deux ans. Mais elle a été trop loin. Je ne supporte pas les contacts physiques, et elle a fait le geste de trop. Quand nos parents ont débarqués dans la chambre, elle s'est mise à pleurer. Personne ne l'a accusé, le problème vient de moi. Parce que je ne sais pas comment me comporter avec les autres. Alors voilà, ils ont tentés le tout pour le tout. Un spécialiste.

Je te jure mon petit journal, il n'y aura qu'à toi que je parlerais. Monsieur Lecter ne saura rien de ma vie.