Journal de Jules.

▬ Somaire

• Evénements passés :
~ Un nouveau jour.
~ Vie de famille.
~ Dispute fraternelle.
~ Un choix cornélien.
~ Démasqué.
~ Adieux.
~ Nouvelle vie.

• Mails :
~ Voilà déjà trois ans... à William Stylinson
~ Demain à Nathan J. Aiden
~ Me voilà perdu à William Stylinson
~ Tout s'arrange à William Stylinson

Une salle blanche, qu'une lampe murale vient éclairer froidement. Aucune décoration n'est nécessaire, les occupants n'y passent généralement que quelques heures dans leur vie. Et ces heures là sont bien trop précieuses pour que l'ambiance glaciale de la pièce vienne les assombrir. Répartis dans plusieurs coins de la salle, de nombreux instruments médicaux sont prêts à être utilisés, tous désinfectés depuis leur dernière utilisation. Au centre, un lit d’hôpital, où une femme gémit de douleur, suppliant les sages femmes d'arrêter cette torture. Le ventre arrondit de la jeune érudite couve encore le précieux fardeau, et elle va pour la première fois mettre au monde. Arrivée il y a peu, personne n'avait prévu que l'accouchement serait si vite déclenché, alors aucune péridurale ne lui a été donnée. Le mari de cette femme enceinte se trouve à ses côtés, tenant fermement sa main pour la soutenir. On lui demander de pousser, ce qu'elle fait dans des cris assourdissants. Mais les sages femmes sont habituées, elles savent que lorsque le bébé sera né, la jeune mère en oubliera la douleur, et le bonheur illuminera son visage. Alors, quand le rejeton pointe enfin le bout de son nez, des larmes de joie coulent.

▬ Félicitation, c'est un garçon.

On demande au jeune père s'il veut couper le cordon ombilical, ce qu'il fait avec fierté. Brièvement, une sage femme sèche le petit qui se met à crier, et le dépose sur le ventre de la mère. Une autre s'occupe du placenta, et d'autres encore préparent le matériel nécessaire. Une fois les premières étreintes réalisées, l'on retire le bébé à sa mère pour le nettoyer et lui prodiguer les premiers soins. Les jeunes parents s'embrassent amoureusement, heureux d'enfin fonder une famille. De nombreux espoirs étaient portés en cet enfant. Et quand on posa le petit garçon dans les bras de son père, celui ci caressa la main de son fils du bout des doigts, avant de proclamer avec une fierté et conviction sans faille :

▬ Mon fils sera l'un des plus grands érudits que ce monde aura jamais porté. Il se prénommera Jules. Jules Stylinson.

L'appartement des Stylinson est situé au quatrième étage, dans un bâtiment riche du quartier des érudits. Chaque pièce se ressemble, si ce n'est les meubles qui diffèrent. De grandes vitres pour laisser entrer la lumière, des murs blanc cassés, une moquette bleue claire et aucune véritable décoration personnelle. Même les meubles sont dans ces tons blanc/bleu pâle. Rien n'est là pour apporter la chaleur d'un foyer. L'on ne cherche pas à ce que ce soit accueillant. Il s'agit juste d'un lieu de vie, où tout doit être rangé à sa place. Sur le grand canapé, le père de famille lit le journal du jour, profitant de ses jours de congé. Pourtant, le calme qui semblait régner prend immédiatement fin, quand un jeune garçon de six ans entre en pleurs dans le salon. Il tient dans sa main un ourson en peluche, avec une jambe arrachée. Les joues rouges et les yeux embrumés, il vient se jeter dans les bras de son père pour pleurer à chaudes larmes.

▬ Papa, William il a cassé ma peluche Tango. C'est un méchaaaaant !

Le jeune Jules avait eu à ses cinq ans un petit frère nommé William. Il avait alors déclaré que ce jours là serait le plus beau de sa vie. Mais il avait rapidement déchanté quand il se faisait réveillé la nuit, qu'il n'avait plus autant d'attention de la part de sa mère, ou qu'il avait apprit à partager ses jouets. Pourtant, il n'avait pas perdu sa place dans l'estime de son père. Il était l'aîné, c'était donc lui qui ferait honneur à la famille. Le père referma son journal, et se pencha en avant pour regarder son fils. Il essuya d'un doigt une larme coulant sur la joue du jeune garçon, et regarda la peluche. Avec un peu de couture, il serait rattrapable. Jules pourrait dire qu'il s'agit d'une blessure de laboratoire, il trouverait bien quelque chose d'héroïque pour son Ourson favori.

▬ Tu sais Jules, William est trop petit pour comprendre. Il faut lui apprendre, et comme tu es son grand frère, c'est ton devoir de veiller sur lui. Tu comprends mon grand ?

Le jeune garçon hocha la tête tristement. Au fond de lui, il savait que son père avait raison. Le petit frère ne comprenait pas que c'était mal, il devait lui faire comprendre gentiment. Alors il frotta son bras sur son visage, séchant les dernières larmes qui coulaient. Il renifla fortement, et tenta de masquer sa tristesse. Sa mère pourrait le réparer, il le savait, alors il ne servait à rien de faire une telle crise. Et l'idée de guider son petit frère lui plaisait bien. Il aimait ce rôle de mentor qu'il avait près de William. Il se sentait important près de lui, il voulait même être son modèle. Tant pis s'il avait des périodes insupportables, ce n'étai qu'un bébé après tout. Alors, lâchant Tango l'ourson, il grimpa sur les genoux de son père et l'enlaça. La tête au creux de son cou, il murmura des mots empli de fiertés. Et même si le père ne le voyait pas, Jules avait les yeux pétillants de bonheur. Oui, il aimait profondément son petit frère.

▬ Oui, comme ça on sera une vraie famille, et tu verras Papa, je serais le meilleur grand frère du monde.

▬ Joyeux Anniversaire mon amour.

Attablée autour de la table du salon, la petite famille Stylinson fêtait l'anniversaire de l'aîné des enfants. Sa mère déposa un baiser au sommet de son crâne, tandis que Jules rayonnait. Devant lui, un énorme gâteau trônait, avec autant de bougies au sommet que l'âge qu'il avait. De plus, c'était son favori, un beau moelleux au chocolat. Il était drôlement fier, tellement que son sourire se dressait jusqu'aux oreilles. Alors, tandis que sa petite famille commençait à chanter pour le rituel, il inspira tout l'air qu'il put, avant de souffler sur les bougies et les éteindre toutes simultanément. Ses parents l’applaudirent chaleureusement, tandis que William resta silencieux, à regarder son grand frère d'un regard dénué d'émotion. Le père vint enlacer son enfant avec tout son amour, avant de s'adresser sérieusement à lui.

▬ Jules, tu as douze ans désormais. Dis toi que tu vas bientôt devoir faire ton entrée dans une grande école. Il est temps que tu montres de quoi la Famille Stylinson est capable. Je porte tous mes espoirs en toi. Ne me déçois jamais fils.

Le pré-ado hocha la tête, certain qu'il le rendrait fier. Il le devait, et n'avait certainement pas intérêt à faillir à sa tâche. On lui répétait depuis sa naissance qu'il avait un grand destin, comment ne pas finir par y croire ? Pourtant au fond de lui, il n'avait toujours aucune idée du chemin qu'il voulait suivre. Quel métier il ferait, quelles études il entreprendrait. Il resterait chez les érudits bien sûr, c'était une évidence. Les Stylinson étaient tous des érudits, alors il ne voyait pas comment cela pouvait être autrement.

Le repas terminé, les cadeaux déballés et la table débarrassée, chacun reprit ses occupations. Jules se demanda avec quel nouveau jouet il allait commencer. Il en avait reçu, des choses. Beaucoup de livres, mais aussi une voiture télécommandée, un jeu vidéo, un kit de petit scientifique et un déguisement de savant fou. Tout excité, il n'entendit pas William entrer dans la chambre. Le petit de sept ans jeta un regard froid à son aîné. Il n'attendit pas que Jules remarque sa présence pour se manifester. Des mots bien durs et trop matures pour sa bouche d'enfant, mais terriblement vrais.

▬ J'vois pas pourquoi papa voit en toi le prochain scientifique de renom. Moi aussi je suis capable de le rendre fier, t'es pas un dieu Jules.

Sursautant, Jules se tourna vers son jeune frère. Quand il le vit, son sourire s'étendit. Il n'avait pas remarqué la haine dans les propos de William, une fois encore. Il ne voyait jamais que ce dernier ne supportait pas son grand frère. Il ignorait toute la jalousie qui bouillonnait en lui. Alors en sa présence, il était toujours joyeux. Car il avait un amour profond pour lui. Se levant et délaissant la télécommande de sa nouvelle petite voiture, il vint enlacer son petit frère, réflexe qui horripilait William. Il le traitait souvent de fraternel, tant Jules était tactile. Ce n'était pas une habitude d'érudit, de chercher autant à faire des câlins, même au sein de sa propre famille. Mais Jules s'en moquait. Il aimait William, alors pourquoi se priver.Embrassant la tête du plus jeune, il se voulait réconfortant.

▬ Ne t'en fais pas William, je suis sûr que tu seras épatant. Mais tu es encore trop jeune, ton tour viendra tu verras.

Alors, frottant sa tête joyeusement, il s'éloigna de nouveau, ouvrant la boite du déguisement, probablement pour l'enfiler, et oublia la peine de William. Mais celui-ci ne croyais pas son aîné. Ils n'étaient pas les mêmes, lui n'avaient pas le droit à toute cette gloire. Alors, jetant un regard meurtrier à son frère, il s’éclipsa discrètement, se jurant que l'avenir lui sera favorable, quel qu'en soit le prix.

Que voulez vous faire plus tard. Voilà un sujet bien vaste, que tout le monde s'est déjà posé un jour. Certains y répondent avec une facilité déconcertante, d'autres passent des heures à réfléchir à une réponse qui ne sera probablement pas définitive. Comment à quatorze ans, alors qu'il ne vous reste théoriquement que deux ans pour faire le choix de votre orientation, vous pouvez vous décider ? Choisir ce qui rythmera votre vie sans regretter un instant. Quand on est un gamin sans  connaissance de la réalité de l'avenir, il semble impossible de savoir.

Assis sur sa chaise, se tortillant nerveusement, Jules regardait les autres élèves écrire sans relâche. Il se demandait comment il pouvait être le seul à n'avoir aucune idée de ce qu'il voulait faire. Pourtant, il aurait dû savoir, lui plus que quiconque. C'est vrai, il devait suivre les traces de son père, devenir un brillant érudit, et peut être révolutionner la science, faire d'incroyables découvertes et être aux yeux de son père le brillant scientifique qu'il rêvait d'avoir pour fils. Mais voilà le problème : Jules n'était pas vraiment certain que c'était ce qui lui voulait. Au fond, on ne lui avait jamais demandé son  avis. Qui dit qu'il voulait véritablement être cette personne pleine d'avenir ?  Et même rester érudit ? Après tout, toutes les factions étaient intéressantes, il n'avait pas à dénigrer les autres. Les érudits prônaient la science, mais les devises des autres étaient toutes aussi intéressantes. Même s'il n'avait pas la conviction que les Sincères et Audacieux lui étaient destinés. Il n'aimait pas la violence, même s'il avait un sacré tempérament. Au fond, il était convivial, entouré d'amis et profitait de son temps libre pour apprendre à jouer d'un instrument. Non, il n'avait rien à faire chez les audacieux. Quant aux sincères, il savait qu'il ne disait pas toujours la vérité, c'était un fait. Mais les altruistes et fraternels, eux avaient des idéaux intéressants. Tapotant son stylo contre la table, Jules se demandait à quoi pourrait bien ressembler sa vie là bas. Et soudainement, il se mit à écrire.

Deux heures plus tard, la cloche de l'école sonna. Terminant sa phrase, le jeune adolescent rangea ensuite son matériel et se leva de sa table. Autour de lui, tous les autres élèves terminaient de remplir leur copie et se dirigèrent vers l'enseignante. Chacun quitta la classe après avoir rendu son travail, mais alors que Jules allait sortir à son tour, l'institutrice lui demanda de rester. Il attendit alors sur une chaise que tous quittent la pièce, jusqu'à ce retrouver seul avec sa professeure. Il se demandait ce qu'il avait bien put faire de mal, il n'était pas vraiment un élève perturbateur, et ses notes n'étaient pas mauvaises. Pourtant, ce fut pour une toute autre raison. Elle avait rapidement regardé sa copie, et avait été étonnée de lire le sujet. Jules lui, lui lança un regard des plus déterminé.

▬ Non, je ne veux pas être un érudit.

Alors il s'en alla sans un remord. Il ne remarqua pas non plus le petit sourire de l'enseignante quand elle l'entendit. Le devoir aura certainement une très bonne note.

La chambre était plongée dans le noir. Seule la lumière blafarde de la lune venait bercer la pièce, caressant les deux corps enlacés. Les draps jonchaient le sol, où deux silhouettes masculines s'entremêlent pour ne former plus qu'un. Les ombres de leurs ébats se dessinent sur les murs, et la pièce étroite ne fait qu’accroître leur promiscuité. Le dos du plus âgé est dégoulinant de sueur, signe qu'il se donnent corps et âme dans ses gestes. L'on pourrait presque discerner de l'amour dans ses yeux. Yeux qui fixent intensément ceux de son amants. Leurs regards ne se quittent pas, malgré les vas et viens réguliers de leurs corps. Les bouches entrouvertes, ils s'embrassent sauvagement entre deux faibles gémissements. Leurs langues se mêlent dans une dance érotique, tandis que leurs torses se collent et se décollent au rythme de leurs mouvements emplis de désir. Les mains du cadet empoignent les hanches de son amant, lui intimant silencieusement de ne pas s'arrêter. Le plaisir parcourt leurs veines de part en part, faisant trembler leurs corps de fiévreux frissons. Et sentant la fin venir, l'aîné ralenti, pour procurer de dernières vagues pleines de tendresses à son compagnon. Dans un gémissement commun, ils atteignent l'extase simultanément, murmurant leurs noms respectifs. Alors le calme retombe, les endorphines envahissent leurs corps, et ils s'entrelacent encore plus, le jeune homme posant sa tête au creux du cou de l'adolescent. Cette nuit, ils auraient probablement droit de s'endormir enfin l'un contre l'autre, sans être pressés par le temps.

Jules sens encore le plaisir parcourir son corps. Contre lui, Ethan s'est déjà endormit depuis quelques minutes. Le jeune de quinze ans caresse passionnément le visage angélique de son amant, rêvant de pouvoir se réveiller chaque matin dans les bras de cet apollon. Cela fait maintenant deux mois que les deux jeunes hommes se fréquentaient, mais c'était la première nuit qu'ils prévoyaient de passer ensemble. Jusqu'à présent, ils avaient du se cacher, s'embrasser discrètement ou s'ébattre rapidement. Mais cette fois, les parents de Jules étaient de sortie. Ce dernier en avait alors profité pour inviter celui qu'il considérait comme son petit ami. Car au fond, ils ne savaient pas trop ce qu'ils étaient, mais Jules avait des sentiments, il en était sur. Plongeant son nez dans la chevelure d'Ethan, le jeune garçon respira avec délice son odeur d'après l'amour. Rien ne semblait pouvoir entraver son bonheur. Il sentait qu'il avait enfin sa place près de cet homme.

Dans le couloir, une lumière s'allume. Les yeux endormis, Jules lève faiblement la tête. Ethan semblait toujours dormir paisiblement, si bien que le plus jeune ne chercha pas à troubler son sommeil, et reposa sa tête contre celle de son amant. Des pas se firent entendre derrière la porte, et celle-ci s'ouvrit lentement. Un père protecteur, s'assurant que son fils dorme à poings fermés, passa la tête dans l'ouverture. Le faible bruit ne sembla pas déranger les deux jeunes hommes, trop épuiser pour réagir. Alors, ne voyant pas l'adolescent dans son lit, le père remarqua des draps dépassant sur le sol. Et, lorsqu'il s'approcha, il eu une véritable vision d'horreur. Son fils, nu dans les bras d'un autre homme, avec un sourire niait sur le visage. Il poussa un cri de colère, alluma la lumière et hurla des injures, réveillant instantanément Jules et Ethan.

Sonnés, ils mirent un temps à comprendre ce qui leur arrivait. Mais les insultes du paternel les ramenèrent vite à la réalité. Il n'était pas censé rentrer avant le lendemain, qui sait ce qu'il faisait là en plein milieu de la nuit. Mais c'était un problème, un vrai. Perdus, ils n'osaient même pas échanger un regard. Le père s'adressa alors directement à Ethan, lui parlant avec haine et dédain.

▬ Jeune homme, je vous somme de quitter immédiatement cet appartement. Je ne veux plus vous voir près de mon fils !

Celui-ci se leva alors des draps, enfila prestement son caleçon et son pantalon, et s'échappa aussi sec. Jules resta abasourdit devant cette scène, dévisageant de peur son père.

▬ Jules Stylinson, j'espère que c'est une blague et que tu vas immédiatement cesser ces petites expériences enfantines.

Le jeune érudit resta bête un instant. Alors son père pensait vraiment qu'il s'agissait d'expériences ? Il n'avait même pas pensé un seul instant que tout ceci pouvait être sérieux. Ce fut ceci qui fit monter la rage en lui. Il n'avait jamais répondu à son père, ô grand jamais. Mais cette fois ci, il ne pouvait pas laisser passer cette remarque. Pour Ethan, mais aussi parce qu'il était heureux, vraiment. Il ne suivait pas un chemin qu'on lui avait déjà tracé, il avait fait ses propres choix. Il n'avait pas honte de son attirance pour les hommes, et il devait cesser de se soumettre aux dires de son père, une bonne fois pour toute. Alors il se releva, et se dressa fièrement face à son paternel. Le fait qu'il soit encore nu l'importait peu à cet instant. Ce n'est pas cela qui lui ferait perdre confiance en ses convictions.

▬ Non papa. Je suis amoureux d'un homme, que tu le veuilles ou non.

Mais il aurait dû prévoir la main qui frappa douloureusement son visage. Il n'avait jamais reçu de gifle non plus, mais cette première était intense, et pleine de haine. Le regard furieux de son père le foudroya, et s'il n'était pas aussi sûr de ce qu'il pensait, Jules aurait retiré ses paroles. Mais non, il garda la tête haute, et ne porta même pas la main à son visage pour atténuer la douleur.

▬ Nous n'aurons pas de petit pédé dans cette famille, soit tu nous fais honneur, soit tu t'en vas.

Alors c'était tout. Cela ne se résumait qu'à ça, l'honneur. La rage s'empara de Jules, si bien qu'il ne répondit même pas, mais se retourna pour s'habiller. Il prit un sac, et sous les yeux de son père, y glissa toutes ses affaires. Il avait comprit, sa place n'était pas ici. Peut être reviendrait-il plus tard, mais il ne pouvait pas rester alors que son père le menaçait du regard. Alors, portant le sac à son épaule, il tourna simplement la tête quand il passa le cadre de la porte.

▬ Adieu, papa.

Et sans un regard pour sa mère et son frère restés là, dans le couloir, impuissants à assister à cette scène, Jules quitta l'appartement à son tour. Il rejoindrait Ethan, car c'est près de lui qu'il avait sa place, à présent.

Le grand jour était enfin arrivé. Le test d’aptitude de Jules avait était concluant, du moins d'après lui. Et alors qu'il s'installait dans la ruche, il observait le centre de l’amphithéâtre avec attention. C'était aujourd'hui que tout son avenir se jouait. Voilà désormais deux ans qu'il avait pensé à ce jour tant attendu. La cérémonie des choix allait pouvoir commencer. Et tandis que toutes les factions se rassemblaient, Jules sentit la chaleur de l'excitation grimper en lui.

La cérémonie avait débutée, et l'on appelait tour à tour les jeunes de seize ans. Assis à ses côtés, son père ne croisa jamais son regard. Ces derniers mois avaient été très difficiles pour la famille, si bien que Jules avait trouvé refuge quelques temps chez Ehan. La chose n'avait pas plu à son père, ils ne s'adressaient alors plus la parole depuis. Même si cette distance était douloureuse, elle n'avait fait que renforcer le choix de Jules. Et quand enfin vint son tour, il se leva sans qu'on ne l'encourage.

Au centre de la ruche, une table en arc de cercle se dressait. Des larges bols représentant chaque faction y étaient posés. Jules regarda un instant celui empli d'une eau limpide, celui des Érudits. Tous s'attendaient à ce qu'il plonge son sang à l'intérieur. Et alors qu'il s'écorcha la main, il la porta au dessus du bol des Fraternels, rempli d'une terre riche. Sans hésiter, il y fit tomber quelques gouttes de sang. Se retournant, il osa regarder son père, qui lui lançait un regard meurtrier. Jules baissa alors la tête. Il n'avait pas honte, il était simplement déçu que sa famille n'approuve pas son choix. Alors, il rejoignit les fraternels, sa nouvelle famille.

Le feu de camp envoyait des braises crépitantes partout autour de lui, et sa douce fumée s'élevait dans le ciel étoilé. La lune était bien dégagée cette nuit là, éclairant les vastes champs alentours. La joyeuse musique des nombreux instruments se propageait dans tous les recoins du quartiers des Fraternels. Bien que la nuit soit tombée depuis déjà quelques heures, les festivités continueraient probablement jusqu'à l'aube. Au centre du grand pavillon, de nombreuses victuailles trônaient sur la table centrale. La lumière du feu projetait les ombres des danseurs sur les murs, et les chants rythmaient leurs gestes endiablés.

Non loin de la en contre-bas, assis dans l'herbe fraîche, Jules observait les étoiles. Il était arrivé dans la matinée au camp, et il avait probablement passée l'une des meilleures journées de sa vie. La fête de l’initiation avait finit par le convaincre, il avait véritablement trouvé sa place. Des jeux, des repas et des rencontres avaient été organisés, et le jeune homme avait déjà put mettre des noms sur des visages. Ici, tous étaient accueillants. Alors, il s'était isolé un instant, pour faire le point. Parfois, il avait pensé à Ethan. Son départ avait laissé un trou béant dans le cœur de l'adolescent. Son amant lui manquait terriblement, mais il savait qu'il avait fait le bon choix. C'était ici sa place désormais.

▬ Hey gamin, attrape.

Perdu dans ses pensées, Jules n'avait entendu personne arrivé. Il fut alors surpris lorsqu'une guitare lui tomba dessus, qu'il rattrapa de justesse entre ses bras. Qui était le malade qui lui avait lancé un objet aussi fragile ? Se redressant, il croisa le regard d'un jeune homme. La vingtaine, à première vue. Celui-ci lui lança un sourire chaleureux, et vint s'asseoir près de Jules. Il était grand, élancé et charmant. Le jeune Fraternel se sentit gêné par tant de proximité, et interrogea le nouveau venu du regard. L'inconnu lui désigna alors la guitare qu'il lui avait lancé.

▬  J'ai vu que tu jouais un peu. T'es doué, tu devrais pas laisser ça caché au fond de toi. Prend la, t'en aura besoin.

Jules resta un instant hébété. Il ne comprenait pas pourquoi ce jeune homme lui offrait un tel instrument, sans réelle raison apparente. Mais il ne put s'empêcher de rougir et sourire jusqu'aux oreilles. Cette guitare était magnifique, et il reperçait silencieusement son interlocuteur du regard. Celui-ci lui ébouriffa les cheveux et se releva aussi vite qu'il était venu. Alors il s'éloigna, laissant Jules seul, de nouveau. Mais alors qu'il avait fait quelques pas, il se retourna. Il décocha alors un énorme sourire, découvrant toutes ses dents brillantes.

▬  Oh, et bienvenue chez les Fraternels. Moi c'est Nathan.

Il reprit alors sa route, les mains dans les poches. Jules l'observa partir, la guitare posée sur lui. Et alors que Nathan avait presque disparu, il lui lança enfin une réponse.

▬ Jules.

Nathan leva le bras, sans se retourner pour lui montrer qu'il avait entendu. Nathan était son premier contact chez les Fraternels. Souriant et reportant son attention vers l'instrument à corde, Jules se mit à sourire. Cette nouvelle vie commençait bien.