You've got that one thing || Killian Hooper

Jour 2

Le coup de foudre, c'est quoi ? C'est ce sentiment qui, au premier regard, vous laisse coi. Celui qui vous transperce le cœur d'un amour débordant. Quand vous voyez cette personne, vous savez. C'est elle, c'est indéniable. Certain disent que lorsqu'il s'agit de l'âme sœur, ce torrent d'émotion s'abat sur vous sans crier gare. C'est cet attachement à votre moitié dès les premiers gestes, les premiers mots, le premier souffle. Personnellement, je n'y crois pas un instant. Ce serait bien trop facile de tomber sur la bonne personne, même si l'on met du temps à la trouver. Et le jeu n'en vaudrait pas la chandelle. Ce truc de coup de foudre, c'est pour les fleurs bleues. Je ne dois pas être un romantique pour penser ça, mais je suis incapable de tomber amoureux aux premiers instants. Et quoi, on serait lié à un imbécile, un gars hautain ou une fille superficielle, juste parce que c'est le destin ? Comment peut on aimer sans connaître, sans découvrir ? Vraiment, je ne comprend pas.

Je me tiens là, assis sur ce lit de consultation. Cette petite hutte est chaleureuse, lumineuse. Dos à la porte, je regarde en détail cette maisonnette pleine de charme. Ne me dites pas que c'est trop gay d'aimer la déco, il ne faut pas avoir honte d'avoir un peu de goût. Et ce cabinet médical est absolument ravissant. Très fleurit, de belles plantes grimpantes et de jolis cadres colorés égayent la pièce. Sur les étagères, des bibelots et des livres médicaux sont rangés, donnant vie à cet endroit. Et pour terminer, un joli petit bureau en bois plein de papier. Le lit de consultation où je me trouve est placé au centre, baigné de lumière naturelle, que les grandes fenêtres donnant sur les jardins illuminent. C'est une des choses que j'aime le plus chez les fraternels. Rien n'est froid ou dur, ici les bâtiments, les jardins, les cultures, tout déborde de vie. C'est cette chaleur étonnante que me plait. Cet amour ambiant, que rien ne peut ébranler.

Si je suis assis là à attendre un soigneur, c'est parce que j'ai encore tenté le diable. Vous savez, chez les bergers le danger n'est pas très présent. Se faire écraser le pied par un mouton ou cogner par un bouc, voilà les plus gros risques que je peux rencontrer. Et parfois, je cherche un peu d'adrénaline. Rien d'extravagant, juste repousser mes limites. Alors cette fois, j'ai voulu faire du jonglage. Bon, jusqu'ici, rien de très épatant. Vous savez ici, on aime les fêtes, l'art et la musique. Alors je me suis dis que pour la prochaine fois, je pouvais préparer un petit numéro, quelque chose d'un peu impressionnant. Alors, jongler avec de simples balles n'est pas très intéressant. Mais des bâtons enflammés, ça c'est plutôt cool. Et vous vous doutez bien que, habile comme je suis, j'aurais mieux fait de commencer à m'entraîner sans le feu. On me dit malin, mais parfois j'en doute sérieusement.

J'avais fais ça plus tôt dans la journée. Alors, ne supportant pas vraiment la douleur de la brûlure, j'ai rapidement demandé un rendez vous avec un soigneur. Il y en avait peu de disponibles, alors j'ai pris les places restantes. Peu importe, ils étaient tous bons et passionnés, je n'avais pas peur de tomber sur un charlatant. Un certain Killian Hopper. Ça me dit vaguement quelque chose, mais nous sommes tellement de fraternels que j'ai dû entendre des centaines de noms. Alors j'ai probablement déjà entendu le sien, et le croiser un jour.

Quand j'entend un bruit derrière moi, je sais qu'il est arrivé. Je ne me retourne pas, je continu de regarder les jardins par la fenêtre. Je sais que chez les fraternels, nous sommes censés être tous proches et se prendre dans les bras pour se saluer. Mes origines érudits doivent souvent reprendre le dessus, car je préfère rester poli et garder un peu de distance physique, au moins au début. Avec le temps je devrais m'y habituer, même si cela fait déjà trois ans que je vis ici. Peut importe, je salue le soigneur, attendant qu'il vienne vers moi pour agir selon ses méthodes.

▬ Bonjour docteur.

J'entend le soigneur derrière moi. Il semble regarder des papiers, un bruit de feuille froissée me parvient. Mes pieds se balancent dans le vide, et mon regard se porte toujours vers la fenêtre. La brûlure sur mon bras me lance terriblement, mais je me retient de gémir comme une jeune fille, surtout devant le docteur Hooper. Et alors que j'allais me retourner pour vérifier qu'il m'ai bien entendu le saluer, il s'adresse à moi à son tour.

▬ Bonjour Jules.

Je me fige un court instant. Il avait une voix rauque, mais pas pour autant dénuée de sensualité. Rien qu'à l'écouter parler, on remarquait qu'il était jeune, peut être pas autant que moi, mais je n'avais pas affaire à un vieux soigneur de cinquante ans passés. Pour mettre un visage sur cette voix attrayante, et surtout par curiosité, je me retournais vers lui. Il avait la tête plongée dans un dossier, le mien probablement. Mais de là où je me trouvais, je pouvais déjà voir une bonne partie de ses traits. Il avait une chevelure bouclée, peut être un peu trop longue, mais elle semblait lui aller à merveille. Légèrement sauvage, lui donnant un petit côté rebelle. Quelques tatouages dépassaient de ses manches, et déjà à première vue, il semblait en avoir autant si ce n'est plus que moi. Je ne voyais pas bien son visage, mais il semblait charmant. Je me surpris à sourire bêtement, alors reprit rapidement mon sérieux avant qu'il ne remarque mon air d'imbécile heureux. Je me sentais toujours joyeux quand je rencontrait une belle personne. Joyeux, pas gay. Même si gay pourrait correspondre, mais pas dans le même sens.

Toujours sans relever la tête, il s'approcha de moi pour constater de l'état de ma brûlure. Il examina mon avant-bras, où ma blessure s'y étalait. Même si je ne suis pas connaisseur, je ne pense pas que qu'elle soit trop grave, douloureuse, mais elle ne resterait pas à vie. Du moins, je l'espérais. Je fis de même, j'observais cette brûlure idiote, que j'aurais pu aisément éviter. Mais quand on a des idées en tête, on oubli parfois de réfléchir. C'est souvent mon cas. Quand il a terminé de retourner mon bras dans tous les sens, il finit enfin par me regarder. Regard qui me laisse muet de surprise. Deux prunelles d'un émeraude pu se plonge dans les miennes. J'étais comme hypnotisé par leur beauté, leur profondeur. Ils n'y avaient qu'eux, impénétrables et fascinants. S'il n'avait pas décidé de lui même de rompre ce lien visuel, j'aurais pu rester à regarder ses yeux encore un long moment. Confus, je restai un moment bête, à ne pas savoir quoi faire de mes propres yeux, ne sachant pas où regarder. Mais fort heureusement, il reprend la parole, me sortant de mon malaise.

▬ Comment est-ce que c'est arrivé ?

Je me demandais s'il ne fallait pas que je mente, pour sauver mon honneur. J'avais déjà assez honte du pourquoi de cette brûlure, il ne fallait pas que ce charmant jeune homme se moque de moi. Je perdrais toute crédibilité. Mais je ne voyais pas de raison crédible, n'étant pas moins ridicule. Alors je tente en vain de retenir un petit rire gêné.

▬ Et bien... vous allez rire.

Comment aborder le sujet ? Je me gratte la tête avec la main de mon bras valide, cherchant de quelle façon j'allais bien pouvoir le dire. Je crois que ma gêne se lit sur mon visage, d'autant plus que ses yeux me déstabilisent toujours autant. Et avec ça, il est beau garçon. Je n'arrive pas à réfléchir si je le regarde, alors je détourne le regard pour plus de concentration. Finalement, ne pas le regarder n'aura servit qu'à me lancer, pas me laisser le peu d'honneur restant.

▬ En fait, je m'entraînais pour la prochaine fête des fraternels, un petit numéro de jonglage, vous voyez. Et pour rendre le truc plus attrayant, jongler avec des bâtons de feu m'a semblé être une bonne idée. Mais je me suis raté et... le bâton est tombé sur mon bras. Les braises surtout.

Décrédibilisé à vie auprès du docteur Hooper, fait.

J'osai un regard en coin, appréhendant sa réaction. Allez savoir pourquoi, mais je ne voulais pas qu'il me prenne pour un incapable. Je n'en étais pas un, j'avais seulement une certaine maladresse. Et qu'il ai cet avis négatif de moi ne me plaisait pas. De toute façon, je n'aimais pas que quelqu'un ait une mauvaise idée de moi, c'était un fait. Alors, quand je le vis faire une petite moue, - adorable soit dit en passant - je compris qu'il tentait de retenir un petit rire. Au fond, je ne lui en voulais pas. C'était vraiment une situation ridicule, je devais l'avouer. Mais tant qu'il ne se moquait pas ouvertement, je ferais avec. Soupirant, je le vis baisser de nouveau les yeux vers ma brûlure.

▬ Ça risque de ne pas être forcément très agréable.

Au fond de moi, je le remerciais de ne faire aucune remarque. Cela aurait été gênant pour nous deux, et certainement pas très professionnel de sa part. Et dans son métier, il devait voir de sacrées idioties. Je n'en étais qu'une parmi tant d'autres, probablement. Mais cette pensée me fâcha. Je ne voulais pas être un inconnu que l'on croise une fois dans sa vie pour l'oublier, comme tous les autres. Faire parti d'une simple liste médicale. Juste un nom, qui finira sous des montagnes d'autres dossiers. Cette réaction égoïste ne me ressemblait pas, au fond qu'en avais-je à faire qu'un soigneur ai plus d'attention pour moi que pour un autre ? Vraiment, à quoi pensais-je. Je m'insultai mentalement, ces idées étaient stupides, comme toutes celles que j'avais eues depuis que j'eus prit l'initiative de faire ce numéro de jonglage. Une bonne nuit de sommeil, voilà ce qui me remettrait les idées en place.

Je baissai à mon tour les yeux sur mon avant-bras. Alors qu'il s'apprêtait à désinfecter la plaie, je serrai les dents. Il m'avait prévenu, alors je tâchait de ne pas passer pour une chochotte. Quand il tapota délicatement mon bras, je retins une grimace. Levant la tête pour contenir un petit gémissement, je tentai d'ignorer ces soins. Mon regard passa et repassa sur la décoration de la pièce. J'observais les tableaux, plus pour me donner une contenance que pour vraiment les analyser. Je lisais les titres des livres sur les étagères : Le bien-fait des plantes médicinales, Comment traiter les maladies bénignes ou Témoignage d'un soigneur sans peur. Rien qui ne pouvait réellement m’intéresser, mais le docteur Hooper devait être un passionné pour en avoir autant. Je trouvais ça fascinant de se plonger autant dans un tel sujet. Soudainement, je me demandais d'où lui était venu ce désir de s'orienter vers la médecine. Et pourquoi plutôt chez les Fraternels que chez les Érudits. Souriant malgré moi, j'imaginais un petit garçon dévorant ces mêmes livres, se disant que plus tard il soignerait à son tour des personnes. Mais il me sorti de ma rêverie en se levant. Finalement, j'avais réussit à m'occuper l'esprit, et je n'avais pas eu si mal que ça.

▬ Et voilà. C'est terminé. N'oubliez pas de nettoyer tous les jours jusqu'à guérison complète.

Je tournai mon bras dans tous les sens pour admirer le bandage. Impeccable, je ne serais pas capable de le reproduire. Tant pis, je me débrouillerais bien tout seul. Descendant de la table d’auscultation, je relevai les yeux vers le soigneur, évitant pour autant de croiser son regard. Il m'avait eu une fois, je n'allais pas m'y plonger une seconde fois.

▬ Merci Monsieur Hooper. Dois-je reprendre rendez-vous dans quelques semaines pour être certain de la guérison ?

Je ne sais pas vraiment pourquoi j'avais posé cette question. Au fond, la brûlure n'était pas très grave, elle serait probablement totalement disparue d'ici un mois, peut être moins. Alors revoir le docteur Hooper n'avait en apparence aucune utilité. Mais je lui avais demandé malgré moi, comme si au fond j'avais espoir de le revoir. Alors, comme pour rattraper le coup, mais tout de même lui faire comprendre qu'il n'était pas qu'un soigneur pour moi, je repris.

▬  Au fait... Comptez vous venir à cette fameuse fête ? Celle se déroulant dans trois jours, pour l'arrivée des petits nouveaux.

Bon, ce n'était peut être pas la meilleure méthode non plus. Mais après tout, j'avais envie de sympathiser, quoi de mieux qu'une fête pour cela ? Tout le monde y est détendu et joyeux, c'est l'endroit idéal. Et inutile de se donner rendez-vous, nous nous croiserons probablement. J'évite ainsi de manière discrète le fameux rendez-vous galant. De toute façon, je ne voulais pas le charmer, seulement en apprendre plus sur lui. Il avait cette chose unique. Celle qui donne envie de se revoir, et de peut être devenir de bons amis. J'étirais un grand sourire, espérant l'inciter à y pointer le bout de son nez.

Je me sens bête, vraiment. Il devait se demander pourquoi je tenais tant à le revoir, il se ferrait des idées. Ou peut être était-il carrément un hétéro pur et dur, et qu'il me prenait juste pour un sot. Je ne devais pas en être loin non plus. C'est dans ce genre de situation que je me demandais si j'étais vraiment né chez les Érudits. Mais en face d'un jeune homme tout à fait charmant, je perdais toute crédibilité, et je m'enfonçais toujours plus. Mais cela n'eu pas l'air de le perturber, car il me répond sans hésiter.

▬ Si vous voulez être sûr, nous pouvons prévoir un rendez-vous, bien sûr. En ce qui concerne la fête,  bien sûr que je serais là, je compte même y participer.

Alors il m'oblige à faire ce que j'ai tenté d'éviter depuis plusieurs minute, croiser son regard. Il a un large sourire, dessinant d'adorable fossettes sur ses joues. Et bon sang, quel sourire. J'étais déjà obnubilé par ses yeux, mais l'éclat de ses dents me fit presque tomber à la renverse. Si j'avais put, j'aurais passé ma journée à admirer ce visage lumineux. Alors sans pouvoir détacher mon regard du sien, mes joues rougirent légèrement, et je lui souris en retour, malgré moi. Il me rendait terriblement bête.

▬ Très bien, je prendrais rendez-vous prochainement alors. J'ai votre mail quelque part dans mon carnet de santé.

Je me raclai la gorge, et parvient enfin à regarder ailleurs. Je glissai mes mains dans les poches de mon pantalon, afin de ne pas faire une bêtise avec. Puis je prend conscience que la consultation est terminée, et que je n'ai officiellement plus rien à faire ici. Alors je m'approche de son bureau, y dépose le chèque déjà préparé afin de le régler, et me retourne vers lui. Un plus large sourire se dessine sur mon visage, et je lui tend la main afin de serrer la sienne.

▬  J'espère vous voir là-bas alors. Au revoir Docteur Hooper, passez une bonne journée.

Je lui lançai un dernier regard chaleureux, et après l'avoir admiré une dernière fois, je passa le cadre de la porte, sans oublier ce regard émeraude et ces bouclettes rebelles.