Irresistible || Killian Hooper

Jour 14

Je met la nappe verte sur la table ronde, après en avoir essayé cinq différentes auparavant. Mais finalement, je reviens sur mon choix se reporte sur la rouge. Je regarde l'horloge murale, il est dix-huit heures trente. Killian va arriver dans une heure et demi, et je suis loin d'être prêt. Je suis sorti de la douche il y a une demi-heure, et je ne suis toujours pas habillé. Je suis simplement vêtu d'un tablier pour cuisiner. Me précipitant vers la cuisine, je vérifie que le four tourne correctement. Mon moelleux au chocolat cuit tranquillement, je n'ai donc pas à m'en faire. Quand à mon plat principal, il me faudra le mettre en route quelques temps avant de manger. J'ai préparé tous les ingrédients achetés le matin même au marché, pour ne pas perdre de temps une fois que Killian sera là. Je devrais me montrer le plus présent possible, alors aucun écart ne m'est autorisé. Mon entrée repose dans le frigo, prête depuis déjà quelques heures. Je vérifie une dernière fois le fou - plus par nervosité que par sécurité - et me dirige vers ma chambre. Les vêtements choisis sont étalés sur le lit depuis le début de la matinée. J'ai tellement voulu tout prévoir, que tout semble être au millimètre près. Je suis capable d'être très perfectionniste, mais aussi énormément bordélique. Curieux mélange. J'enfile alors un caleçon et un pantalon chino gris par dessus. Je passe les bras dans une chemise bordeau, que j'ai l'habitude de fermer jusqu'au col. Je relève les manches à moitié, et je termine par enfiler de simples chaussures de ville. Je dois avouer que c'est un gros effort, je ne suis jamais chaussé en intérieur. J'en suis presque incapable en fait, c'est comme une sorte de toc. Mais ce soir je dois me montrer sous mon plus beau jour. Alors bannissons les chaussettes.

Je sors de la salle de bain, enfin coiffé et parfumé. Je termine de ranger la pièce, débarrasse de tout objet inutile. Je pose même de l'encens parfumé sur une commode, près de mes cadres photos. J'en profite pour les remettre droites. Il y en a trois, une photo avec mon frère William, quand nous étions plus petits. Une me représentant avec Tango, le jour où je l'ai adopté. Et que la dernière l'on peut voir Nathan et moi, riant de bon cœur. Je souris en les voyant, un flot de souvenirs refaisant surface. Je m'en vais alors pour mettre la table, et j'ai sorti ma plus belle vaisselle. Disposés l'un en face de l'autre, je m'imagine déjà pouvoir plonger mes yeux dans ceux de Killian pendant la conversation. Mon cœur s'emballe à cette pensée, alors je cherche à faire autre chose pour me calmer. Il devrait arriver dans une dizaine de minutes. Je pose deux petites bougies sur la table, ainsi qu'un bouquet de roses. J'ai d'ailleurs hésité pour les fleurs, m'étant dit qu'il n'y avait rien de plus féminin. Mais après tout nous étions deux gays s'assumant, alors je pouvais me permettre quelques petites folies. Je regarde une nouvelle fois ma montre rangée dans ma poche. Il ne devrait pas tarder. J'inspire un grand coup. J'ai posé deux verres à pied sur la table basse, ainsi que quelques petits gâteaux d'apéritifs le temps de patienter, et de démarrer la conversation. Je m'assois alors sur le canapé pour attendre. Je n'ai plus qu'à m'angoisser sur cette soirée qui je l'espère, se terminera avec plus qu'une poignée de main.

Je joue anxieusement avec les plis de mon pantalon à l'approche de l'heure fatidique. Je suis certain d'avoir oublié quelque chose, c'est toujours ainsi. J'espère juste que cette chose est sans importance, et que Killian ne m'en tiendra pas rigueur. Je fixe la porte, comme si je savais que c'était le moment. Et les coups résonnent dans la pièce silencieuse. Mon estomac se serre, mais je me lève. D'une manière très robotisée cependant, il me faut me ressaisir. Je rajuste ma chemise, attrape la télécommande sur le meuble près de moi, et actionne le lecteur audio. Une douce musique s'élève doucement, à peine audible. Seulement un fond sonore, une ambiance délicate et apaisante. Je respire un coup, et me dirige vers la porte d'un pas décidé. C'est maintenant que tout se joue, c'est en ouvrant la porte que je donnerais un ton à toute cette soirée. Je pose la main sur la poignée, ferme les yeux et me met à sourire pour l’accueillir. J'ouvre, et m'apprête à le saluer avant que son charme ne prenne le pas sur mes émotions. Mais catastrophe.

Je me fait fortement bousculé une fois la porte ouverte, et Tango se jette comme un fou furieux sur Killian pour lui faire la fête. Je reste inerte un instant. Voilà ce que j'avais oublié, le chien. Je ne l'avais pas enfermé dans une pièce. Et il n'y avait pas plus belle erreur. Je vois rouge, tout va de travers dès la première minute. Alors je me précipite vers le Collie pour tenter de sauver la situation. Je ne sais pas si Killian aime les chiens, s'il en a peur ou s'il en est même allergique. Nous n'en avions pas parlés, et moi je fais une gaffe monumentale. Je pousse fermement Tango en arrière, et le regarde avec un air sévère. Je tend le bras en direction du couloir et parle sèchement.

▬ Non Tango, c'est interdit, dans ton coin !

Les oreilles plaquées et la queue entre les jambes, je le vois s'éclipser et s'allonger dans un angle du salon, sur un tapis lui étant destiné. J'ai peut être été un peu fort, mais ce n'était clairement pas le jour de sauter sur mon invité comme un déglingué. Je soupire, et ose maintenant jeter un coup d’œil à Killian. Et merde, qu'il est beau. Pardonnez ma vulgarité, mais son élégance naturelle me frappe, il est bien plus que séduisant, c'est un ange tombé du ciel. Je crois même que je rougis quand mon regard s'arrête sur sa chemise à moitié boutonnée. Je peux apercevoir le haut de son torse, et ce serait mentir que de dire qu'il n'est pas désirable. Le peu que je vois est... appétissant. Il laisse même entrevoir deux tatouages magnifiques représentant des oiseaux. Mais je ne peux pas me permettre d'être autant subjugué par son corps mis en valeur ainsi. Je reporte mon regard sur ses yeux à lui, qui me font le même effet que tout le reste. Si ce n'est plus encore. Je tente quelques mots, me confondant en excuses.

▬ Excuse-moi.. pardon Killian, j'aurais dû faire attention et... Entre je t'en prie.

Je me pousse de la porte d'entrée et regarde mes pieds. Je dois être affreusement rouge, mais il est terriblement craquant. Il va falloir que je me débrouille mieux le reste de la soirée, parce qu'après l'avoir vu ainsi, je ne peux pas le laisser m'échapper.

Il me passe devant, et je lutte pour ne pas le suivre du regard. Parce qu'avec le simple coup d'oeil que j'ai osé, je peux vous dire qu'il est terriblement à son avantage dans ce slim. Mais ce n'est absolument pas le moment de se laisser aller à des observations douteuses. Alors je referme la porte derrière lui, et me retourne pour venir près de lui, suivant son regard. Il semble détailler la pièce, et donc remarquer ma disposition pour le repas. J'espère que ça lui plaît, et qu'au fond ce n'est pas un homme viril porté sur le rugby, avec un accent terrible, dénué de délicatesse, et qui apporte plus d'importance à la forme qu'au fond. Parce que ce genre de type, ce n'est pas vraiment cette décoration qui leur plaît, soyons sérieux deux minutes. Enfin, entre nous il n'en a pas vraiment l'allure, il semble plutôt être un jeune homme sensible, raffiné et plein de goût, et j'espère avec une once de romantisme. Et c'est tout ce qui me plaît chez lui, ce mystère qui pourtant révèle une personne profonde. Je me surprend à sourire idiotement, parce que je me rend compte une fois de plus, qu'il a tout pour plaire. Il me regarde alors avec un sourire étincelant, et ses lèvres sont toujours follement attirantes. Plus encore que la dernière fois que je l'ai vu, maintenant que j'y ai goûté.

▬ Ne t'en fais pas pour Tango, ça peut arriver. Et puis ça ne me dérange pas vraiment de me faire sauter dessus par un chien, bien qu'il a réussi à me donner une belle frayeur.

Ça me rassure énormément. Si mon chien avait à lui seul et quelques secondes gâché cette soirée tant attendue, il aurait dormi dehors de longues nuit. Mais comme je l'aime trop et que je m'en voudrais plus qu'à lui, je finirais par le faire rentrer, le papouiller et me maudire de trop l'aimer. Tango fait ce qu'il veut de moi, mais il est assez gentil pour ne pas me faire perdre la tête. Je suis tombé sur celui qu'il me fallait apparemment.

La phrase de Killian me fait cependant rire doucement. C'est vrai qu'il ne pouvait pas s'y attendre, et voir un chien lui sauter dessus à ma place, c'est assez déroutant. Pas qu'il pensait que j'allais lui sauter dessus - même si je ne me serais pas fait prier - mais je m'entend. Tango doit voir quelque chose en lui pour s'être montré aussi direct, car même avec Nathan qu'il adore, il s'était montré méfiant au début. Et que même mon chien apprécie autant Killian me fait du bien. Il ne manquerait plus qu'à chaque fois qu'il le voit il lui grogne dessus. Parce que j'ai bien l'intention de le faire revenir.

▬ Il est très amical comme chien, mais d'habitude il n'est pas aussi direct avec les inconnus. Tu dois avoir une aura ou quelque chose qui lui plaît. Il a peut être remarqué la même chose que moi, tel chien tel maître comme on dit.

Je l'avoue, je lui fais légèrement du rentre-dedans. Mais la soirée est destinée à le charmer, autant lui faire comprendre que je suis très intéressé, au cas où il e l'aurait toujours pas comprit. Et finalement, je me sens plus détendu que je ne le pensais. Sa présence m'apaise, et tous mes doutes s'envolent. Je lui propose de s'asseoir sur le canapé, pour commencer la soirée tranquillement. J'en profite pour lui servir un verre de vin, d'un ami vigneron ayant de très bons produits, et m'installe sur le canapé. Alors, ne voulant laisser aucun blanc durant toute cette soirée, et en apprendre le plus possible sur mon invité, je commence doucement, avec une pointe d'humour. L'humour, éternel allié de la séduction.

▬ Tu as réussi à trouver le chemin seul finalement, je n'ai pas eu à voler à ton secours. C'est dommage, je n'ai pas pu te montrer mes fameux super-pouvoirs.

Je souris malicieusement, et lève le verre pour trinquer avec lui. Je le regarde dans les yeux, et quand je croise ses prunelles vertes qui me font tant d'effet, je me dis que la soirée est prête pour durer.

Alors qu'il lève le verre à son tour, je l'entend rire. Et il pourrait m'achever rien qu'avec ça. Pour ne pas me mordiller les lèvres devant son air adorable, je bois quelques gorgées, tout en l'observant du coin de l’œil. Il est si agréable à regarder, je ne me lasserais jamais de laisser mes yeux se promener un peu partout sur lui. Et cette fois-ci il a sorti le grand jeu avec sa chemise entrouverte. Si je laisse mon regard y traîner trop longtemps, je ne promets pas que cette chemise restera entière avant la fin de la soirée. Je réprime un frisson, ne voulant pas lui faire comprendre qu'il m'attire plus que raisonnablement. Je tente alors de me concentrer sur ce qu'il dit, avant de défaillir sous son charme.

▬ Tu sais qu'en venant j'ai hésité à me "perdre" exprès ? Puis je me suis dit que j'aurais vraiment l'air d'un idiot... Alors j'ai relu ce que tu m'avais envoyé et suivit ce que tu m'as indiqué par mail.

Je ris de plus belle. L'idée que je vienne à son secours était en effet plutôt alléchante, et elle avait également l'air de lui plaire. Mais peut être est-ce un peu tôt pour jouer à ce genre de jeu là. Mais plus tard, si lui et moi parvenons à évoluer dans une relation, je ne dirais pas non pour tenter... ce genre de petites distraction. Rien que d'y penser, mes joues rougissent à vue d’œil. Je suis loin d'avoir des pensées purement platonique, mais il m'aguiche fortement avec sa tenue, ses yeux, ses cheveux, ses tatouages, ses... Je me ressaisis, je ne peux pas me laisser aller à trop en imaginer. Pour me donner une contenance, je l'imite et me sers dans les petits gâteaux posés sur la table. Il va falloir que je fasse plus attention à mes émotions ce soir, car il a beau être désirable, je ne peux rien me permettre. Avec Killian, je veux prendre mon temps, qu'il découvre le meilleur de moi-même. Alors une fois que je termine ma bouchée, je chasse toute pensée impure de mon esprit.

▬ Tu habites loin d'ici ? Parce que finalement, la route n'est pas si compliquée, enfin quand on la connait je suppose !

Bien sûr que j'ai envie de savoir où il vit. Je veux même tout connaître de lui, découvrir chaque point de sa vie, ses goûts, ses ambitions. Il m'intéresse réellement, je suis fasciné par tout ce qu'il me dit, je bois presque ses paroles. C'est étonnant, comme sensation. J'ai l'impression que je ne pourrais jamais m'ennuyer avec lui. Même lorsqu'il s'agit d'un sujet qui ne semble pas m'intéresser, je suis certain qu'il peut rendre la conversation vivante. Et au pire si un jour je ne suis vraiment pas intéressé, je pourrais passer le temps en le regardant simplement. Je souris avec douceur, avant de reprendre.

▬ Et de ton cabinet ? Il faudra que je pense à repasser d'ailleurs, pour que tu évalues l'avancée de ma brûlure.

Elle ne me fait plus mal, mais je continue de suivre le traitement. Je pense même que je suis sur la voie de la guérison, car elle n'est plus aussi rouge et visible. Mais par automatisme, je pose ma main sur mon bras blessé. Et je me souviens de ce jours, il y a deux semaines exactement, où j'ai rencontré Killian. Mon cœur bat plus vite en y repensant, et je me dis que c'est probablement un coup du destin. Je n'y ai jamais cru, au destin. Mais la chance est-elle la seule raison de cette rencontre ? J'aime à penser que je devais être là dans ce cabinet, ce jour là. Parce que lui et moi, c'est comme une évidence.

Je mentirais si je disais qu'au fond savoir où il vit, c'est avoir un espoir de plus de venir chez lui. Parce qu'après tout, j'attend beaucoup de cette soirée. Que tout ne s'arrête pas ici et maintenant. Qu'il y ai un après, que nous ayons un après. Je n'ai probablement jamais fait autant d'efforts pour charmer quelqu'un. Même avec Ethan, ça s'est passé autrement. Notre relation est venue naturellement, sans que l'on se pose de questions. Je ne dis pas que c'est compliqué avec Killian. Mais il y a un enjeu, c'est important. Nous jouons encore l'un avec l'autre, c'est exaltant. Je n'ai jamais vraiment connu cette phase avec Ethan. J'étais un simple stagiaire dans cette grande Bibliothèque appartenant aux Érudits. Et y faire des rencontres, on peut dire que c'est plutôt facile. L'on voit du monde toute la journée. Mais ce fut le regard d'Ethan qui avait retenu mon attention. Ayant accès à ses coordonnées, ce fut simple. Trop, ça s'est fait rapidement. Ce n'est même pas amusant. Parce qu'étrangement, je m'amuse avec Killian. Ce jeu de la séduction, je ne pensais pas que cela pouvait être aussi... intense. Je porte mon verre à mes lèvres, pour m'empêcher de rougir. C'est fou ce que ce beau jeune homme est capable de faire de moi.

▬ Je dois habiter à une dizaine de minutes d'ici grand maximum une vingtaine, quant à mon cabinet il est un peu plus loin. Repasses quand tu veux, on avisera à ce moment-là.

Je souris timidement et cette fois, ne peux m'empêcher de rougir. Il l'a dit d'une telle façon, que c'est comme s'il m'invitait à passer quand je le voulais. Et cette petite remarque me va droit au cœur. Quand il me dit les choses ainsi, comment ne pas croire que tout est possible ? Que Killian n'a pas les mêmes espoirs, les mêmes envies, les mêmes désirs ? Même s'il le fait d'une façon plus subtile, nous flirtons sans retenue, c'est à celui qui fera tomber l'autre en premier. Mon dieu comme c'est exaltant.

▬ Tant qu'on parle du travail, dans quel domaine tu es ? Parce qu'au final, je n'en ai aucune idée.

Je baisse les yeux et regarde le vin que je fais tourner dans mon verre. Voilà l'instant gênant. Je n'ai pas honte de mon métier, mais il est si différent de celui de Killian. Être un soigneur, ça a quand même plus de classe qu'un berger. Moi je travaille dans la paille, je sens l'animal et je n'ai pas des tenues que l'on peut qualifier de sexy. Alors que lui a la réputation et l'estime des gens, et il faut dire qu'il est carrément érotique dans sa blouse. S'il n'avait rien en dessous, je jure que je tomberais de désir. C'est un peu m'avancer que de l'imaginer ainsi. Nous sommes encore pudiques l'un envers l'autre, mais le peu qu'il me laisse voir de son torse ne laisse pas mon corps indifférent. C'est un crime d'être aussi désirable.

▬ Merci, j'y songerais. Et si tu n'est pas si loin... tu pourras toujours revenir, maintenant que tu connais le chemin. La porte te... sera toujours ouverte.

Je relève timidement les yeux, et souris légèrement. Je sais qu'il comprendra le message, mais j'ai peut être été un peu vite. Si ça ce trouve, il préfère prendre encore plus son temps. Mais quand je le vois près de moi ainsi, je ne veux plus attendre après ce soir. Ce désir qui s'accumule dans mon corps va finir par exploser si ce petit jeu dure encore longtemps. Je pose mon verre sur la table, et essaye de reprendre. Mes joues doivent être brûlantes.

▬ Je... je suis Berger. Les pâturages et la ferme derrière m'appartiennent. Et j'ai Tango qui m'aide dans mon travail.

Le dit animal approche doucement en entendant son prénom. Probablement encore penaud de son trop plein de joie précédent, il n'ose pas trop s'approcher. Je tape alors ma jambe et il me rejoint, battant joyeusement l'air avec sa queue. Je le caresse affectueusement, et me retiens de lui embrasser le front. Il y a des gens qui trouvent cela répugnant, mais quand on est habitués aux animaux, je pense que l'on ne fait plus attention. Alors ne connaissant pas les réactions de Killian, je préfère arrêter ma démonstration d'affection pour mon chien ici. Je finis donc par me lever et timidement, je lui tend la main.

▬ Viens, allons nous installer à table.

Je le mène lentement vers la chaise, et je la tire dans un élan de galanterie. J'ai dis que ce soir j'allais être parfait, donc je ne passe aucun détail. Je lui fait un sourire charmeur, et après m'être excusé je m’éclipse dans la cuisine pour aller chercher l'entrée.

Dès que j'ai mis un pied dans la cuisine, je me précipite pour m'appuyer contre le plan de travail. Je passe une main dans mes cheveux et souffle légèrement pour évacuer tout le stress que je suis en train d'accumuler. La soirée a bien commencée, et je donne mon maximum. Mais j'ai peur de faire une gaffe, et j'avoue que je ne serais vraiment détendu que lorsque tout ceci prendra fin. Pourtant je désire qu'il ne parte pas, et que le repas s'éternise. Quel cruel dilemme. Je souris malgré moi à cette idée. J'espère que Killian apprécie ce début de soirée. Tout semble aller bien, nous n'avons même pas eu de problèmes pour entamer la conversation. Il est magnifique ce soir, encore plus attirant que le soir du bal. Et moi qui pensait que c'était impossible, mais il me surprend toujours plus au fur et à mesure que j'apprend à le connaître. Et je veut tout découvrir de lui. Mon sourire est encore plus grand quand j'ouvre le frigo et en sort quatre verrines. Je sens que malgré mon angoisse, lui et moi ne pouvons que bien nous entendre. Et plus si affinités. Je dispose l'entrée dans deux assiettes en rendant le tout le plus joli possible, et après avoir pris une profonde inspiration, je sors de la cuisine.

Les deux assiettes en mains, je regarde Killian avec un large sourire. Il est attablé là où je l'avais laissé, mais je ne veux pas attarder mon regard sur lui. Je suis capable de tout faire tomber et de casser la vaisselle rien qu'en l'admirant. Il faut dire que si je me perds dans sa contemplation, je risque de perdre tout mes moyens. Déjà que jeter un coup d'oeil sur son torse à moitié découvert me met dans tous mes états. Je regarde le mur en face pour ne pas perdre toute crédibilité, et retenir mon corps de... réagir à la vue du sien. Parce que malgré toute ma bonne volonté, il est si désirable que même habillé il peut me faire de l'effet. J'essaye d'éloigner ces pensées gênantes et de me reconcentrer sur le repas.

▬ Je sens que je vais me régaler.

Je pose une assiette face à lui et lui fais mon plus beau sourire. Au moins, la vue de mon plat doit lui plaire, et ça me touche beaucoup. Parce que je ne suis pas vraiment un grand cuisinier, et que pour l'occasion je me suis donné à fond. Nathan lui même pourrait dire qu'il n'a jamais eu le droit à tant d'efforts culinaires de ma part. Je me félicite d'ailleurs, parce que je suis plutôt fier du résultat. Killian fait vraiment ressortir ce qu'il y a de mieux en moi jusqu'à présent.

▬ Tu as une verrine de saumon et sa crème d'avocat, ainsi qu'une autre verrine d'aubergines aux noix de St Jaques.

J'en fais peut être un peu trop, et il sera probablement déçu la prochaine fois qu'il revient pour manger - s'il revient. Mais je me sentais obligé de me donner autant. j'y ai même passé tout l'après-midi tellement ce repas me tenait à cœur. Je lui souhaite bon appétit, et prend ma fourchette pour commencer à déguster cette entrée. Et je dois avouer que c'est plutôt bon, contrairement à ce que je fais d'habitude. Je dois rester modeste, mais je ne manque pas de me féliciter intérieurement. Tandis que je goûte aux deux verrines, je ne peux m'empêcher de zieuter vers Killian, afin de voir sur son visage ce qu'il en pense.

▬ Si jamais tu aimes, je peux te passer la recette. Je ne suis pas sûr de réussir deux fois un même plat, alors je ne peux pas te promettre que tu mangeras de nouveau la même chose.

A chaque fois que je lui parle, ou presque, je glisse une insinuation. Comme si nous nous reverrons obligatoirement. Que nous aurons d'autres repas, qu'il reviendra. Je ne veux pas qu'il en soit autrement. Dernièrement, je n'avais même plus pensé pouvoir me fixer avec quelqu'un. Mais avec Killian, c'est différent. Je sens que ça peut fonctionner. Nous en sommes peut être encore loin, mais j'espère qu'il pense la même chose que moi. Que tous les deux, nous pourrions ne faire plus qu'un. Mes joues rougissent légèrement en y pensant. En espérant qu'il ne le remarque pas, je me lève prestement en posant ma serviette sur la table.

▬ Je... je reviens, je dois lancer le plat pour tout à l'heure.

Je lui fait un petit sourire timide et m'éclipse aussitôt. Je ne sais pas ce qu'il me prend. J'ai les mains moites quand je sors une casserole des placards. Je passe une main sur mon front pour l'essuyer, tentant de me ressaisir. Tandis que je mets de l'eau à bouillir, je tente de me calmer. Je ne sais pas pourquoi, soudainement, je me sens aussi nerveux. Peut être parce que je me rend compte à quel point Killian m'attire. Comme si je ne le savais pas déjà. Je me pose plein de questions sur le déroulement de la soirée. Quand nous allons devoir nous quitter, que a-t-il se passer ? Je sais que je vais avoir envie de l'embrasser, c'est impossible autrement. Mais je ne sais toujours pas ce qu'il ressent, ce que je suis pour lui. Je sais que je me prend trop la tête, mais tant que je ne suis pas certain que cette attirance est réciproque, je sens que je vais angoisser toute la soirée. Mettant les pâtes dans l'eau bouillante et chauffant des lardons dans la poêle à petit feu, je prend mon courage à deux mains. Je ne peux pas le laisser trop longtemps seul, alors je dois lui faire face, à lui et son visage d'ange. Je sors de la cuisine, espérant me remettre rapidement de mes émotions.

J'inspire, j'expire. Je passe l'encadrement de la porte, décidé à lui jouer le grand jeu. Je veux le séduire, je n’accepterais pas de le laisser m'échapper. Je lève les yeux vers la table, mais il n'y est plus assis. Il avance vers moi, d'une allure voluptueuse. Je déglutis, hypnotisé par cet être que même Apollon jalouserait. Quelles jambes. Fines et élancées, divines. Je recule, enivré. Il s'approche de plus en plus, tant et si bien que je vais dépérir. Sa beauté m'ensorcelle. Il n'est plus qu'à quelques centimètres. Nos souffles se mêlent, ses lèvres rosées sont si proches. Son regard envoûtant m'obsède. Je le veux.

Ça n'a rien à voir. La première fois, c'étant une explosion, un feu d'artifice. Cette fois, ses lèvres sont si chaudes contre les miennes. Il m'embrasse avec fougue, et je ne peux que le lui rendre, plus fiévreux encore. Je voudrais glisser mes doigts dans ses cheveux, sentir sa nuque frissonner sous mes caresses, poser mes mains sur ses hanches avec ardeur. Je voudrais me rapprocher, sentir la même véhémence chez lui que dans mon corps. Mais je ne fais que goûter à ses lèvres, et c'est déjà la sensation la plus exquise. Il se détache, je me retiens d'agripper sa chemise pour lui intimer de recommencer. C'était déjà inespéré, je suis trop gourmand. J'essaye de reprendre mes esprits, de ne pas avoir l'air de fondre par ce simple baiser. Je souffle doucement, ne pouvant détacher mon regard de lui. Il approche ses lèvres de mon oreille, je ne peux réprimer un frisson.

▬ J'ai adoré l'entrée, Jules.

Il recule, trop à mon goût. La chaleur de son corps s'éloigne du mien. J'ai comme froid, tout à coup. Il me regarde du coin de l’œil et je me mords la lèvre inférieure pour retenir mes émotions. Je ne peux m'empêcher de sourire bêtement. Nous rejoignons la table en silence, mon cœur battant à mille à l'heure. Je m'installe à ma chaise, et j'essaye de ne pas être trop insistant dans mes regards. Pourtant je veux pouvoir le dévorer des yeux. Je sais au moins maintenant que Killian m'apprécie. Et un peu plus. Je fais un petit sourire en coin en regardant mes verrines vides. Puis je réagis enfin, précipitamment.

▬ Oh attend, je vais te débarrasser.

Je me lève en quatrième vitesse, manquant de renverser mon verre que je rattrape de justesse. Je ne suis plus nerveux, juste encore sous le choc et enivré par le baiser. Je contourne la table pour chercher l'assiette de Killian, mais je n'ose pas le regarder dans les yeux. Si je croise son regard, je me jette sur lui. Ses prunelles vertes ont un trop grand effet sur moi. Je me penche devant lui, non sans chercher à l'aguicher un peu. Je souris doucement, puis prend nos deux plats et le redresse. Evidemment, je ne peux pas m'en tirer si facilement. Je le bouscule maladroitement, mais par chance je ne lui renverse rien dessus. Je deviens probablement rouge, mal à l'aise.

▬ Excuse-moi. Je... je reviens.

Je baisse les yeux et file droit vers la cuisine. Je mets tout dans l'évier, et prend une nouvelle vaisselle. Je les remplis des pâtes carbonara. Classique, mais tout le monde aime. Je n'arrête pas de sourire, tant j'ai adoré le comportement de Killian. Je dois dire, je ne m'y attendais absolument pas. Mais quelle divine surprise. Je n'ai plus autant à m'en faire. Il est irrésistible, et je semble aussi être à son goût. Tant mieux. Je soupire de bonheur, et retourne vers notre table. Qu'il est beau, c'est incroyable. Je le sers, et après un bon appétit m'installe face à lui. Je nous resserre un peu de vin, et ose enfin le regarder dans les yeux, sourire racoleur.

▬ Parle moi de toi. Tu es né Fraternel ?

Je veux tout savoir sur lui. Le connaître le mieux possible. Je ne veux plus qu'il soit un mystère.

Je pique ma fourchette avec entrain dans mes pâtes. Cette soirée ne pouvait pas se passer mieux. Maintenant que Killian a mit les choses au clair - de façon très inattendue - je me sens bien plus à l'aise. Bien que mes joues doivent s'empourprer à chacun de ses regards ou petits sourires, j'arrive à peu près à garder un air serein. Je ne pense pas que quelque chose pourrait venir perturber mon bonheur avant quelques jours. Après ce délicieux baiser, je suis presque certain de lui plaire. Et il n'y a pas sensation plus agréable que d'avoir ces petits papillons dans le ventre.

Et maintenant que nous semblons plus proches - arrêtez-moi si je me trompe - il me tarde de le connaître encore plus. A-t-il des frères et sœurs ? Hormis le chant, a-t-il d'autres passions ? Quel est son plat préféré, son meilleur souvenir d'enfance, son premier animal de compagnie, ses peurs les plus noires ou encore son rêve le plus fou. J'ai tellement de questions, aussi absurdes soient-elles. Mais quand je croise ce profond regard si pétillant, comment ne pas vouloir connaître toute son âme ? Si je pouvais plonger dans les abysses de ses yeux, je ne voudrais plus jamais en repartir.

▬ En fait, je suis né chez les audacieux.

Je manque de m'étouffer, et fais tout pour ne pas déverser le contenu de ma bouche sur la table. Ai-je bien entendu ? Audacieux ? J'essaye de me ressaisir, mais je n'aurais pas pu mal tomber. Enfin si, être attiré par un authentique Audacieux, mais Killian en garde les origines. Je me tape le torse, pour reprendre mon souffle. J'ai perdu toute crédibilité, et je l'ai probablement froissé. Je suis certainement passé du rouge pivoine au blanc asperge. Ce n'est rien mon brave Jules. Il n'est plus audacieux, c'est un vrai Fraternel. Toi-même tu ne l'est pas pur souche, et pourtant tu ne te sens plus Érudit. Et j'ai pu voir avec Sam que tous ces brutes ne sont pas les mêmes. Alors je me dois de respecter la famille de Killian. Je dois me rattraper. Bouge toi pauvre nouille.

▬ Et tu... tu as... tu es le seul de ta famille à avoir changé de faction ?

Je ne sais plus où me mettre. Je n'arrive même pas à articuler correctement. A l'autre bout de la pièce, Tango se met à aboyer et courir vers nous. Comme s'il pensait que j'étais au bord du malaise, et dans sa merveilleuse et surtout inappropriée fidélité. Je le chasse du revers de la main, je ne peux utiliser l'excuse de mon chien pour m'échapper de cette situation. Je cherche à tout pris quelque chose à dire.

▬ L'ont-il bien pris ?

J'essaye vraiment de détendre mon visage. Avoir l'air aussi serein qu'il y a quelques instants. Mon sourire semble si crispé et faux que j'en ai mal au joues. Mais quel boulet. Je devrais écrire un livre. Comment rater un rendez-vous à coup sûr. Je me sens si mauvais. Je ne sais juste plus ou me mettre. Je plonge ma tête entre mes mains, comme pour me cacher comme quand un enfant fait une bêtise et ne veut pas être puni. Moi non plus je ne veux pas être puni, je ne veux pas que Killian me déteste. Quel enfant je fais.

▬ Enfin, si ce n'est pas importun de demander. Je... excuse-moi.

Tellement pitoyable. C'est lui qui devrait être mal, pas moi. Ce n'est pas moi qui devrait chercher à être réconforté, qui ai besoin de le sentir contre moi, rassurant. Qu'il me prouve qu'il ne l'a pas mal prit. Et plus je m'enfonce dans ma chaise, plus je comprends que je m'attache. Que je ne veux plus le laisser partir. Que je le veux, simplement.

▬ Ne t'excuses pas.

Je relève la tête, n'attendant pas du tout cette réaction de sa part. Je pensais qu'il allait se braquer, me regarder furieusement, ou être apeuré - ce qui semblerait être plus probable, au vu de son caractère. Mais pas accepter mes excuses. Il faut le dire, moi même je ne suis pas certain que j'aurais réagit ainsi. Je le regarde sourire et manger le plat sans paraître en colère. Mon plat. Il a l'air heureux d'être ici. Je suis médusé et bouleversé. Il est si formidable. Comment ai-je fait pour ne pas le rencontrer avant ? Je baisse de nouveau les yeux, sur le bandage entourant mon bras cette fois. Si je n'avais pas eu la stupidité de jouer avec le feu ce jour là, je n'aurais pas eu cette chance. Comme quoi, être un abruti fini peur bien me servir parfois.

▬ Je suis effectivement le seul à être parti, mon frère y est toujours également.

Je hoche la tête avec intérêt. Je veux en savoir plus sur sa famille. Si je ne les rencontrerais probablement jamais, je dois au moins m'intéresser de près à ce qui lui tient à cœur. Je ne sais pas s'il entretient toujours de bonnes relations avec eux, mais la famille reste toujours importante. Même pour moi. Il a lui aussi un frère, il doit alors comprendre tout ce que j'ai pu ressentir. Mais j'espère que lui au moins, a des nouvelles de lui. Je l'imite, mangeant mes pâtes tant qu'elles sont encore chaudes. Cette fois-ci, je dois faire attention à tout ce que je dis. Je mise beaucoup sur cette soirée, et espère qu'après ce soir, lui et moi... ne feront plus que nous tourner autour. Je rougis légèrement à cette pensée.

▬ Je crois qu'ils ont plus été déçus par mon choix qu'autre chose. Mais c'est ainsi, je ne me sentais pas de rester là bas, ce n'était pas ma place.

Je pose ma fourchette. A croire que personne ne peut avoir la liberté de changer de faction comme bon lui semble. Pourquoi devrions-nous nous plier aux normes, pourquoi suivre nos ancêtres si nous ne suivons pas leurs idées ? Qu'importe nos origines, les non-natifs ont à chaque fois ou presque mal vécu leur changement. Les familles sont loin d'être compréhensives. Heureusement pour certains, les tensions finissent par passer. J'espère que Killian n'a pas à craindre les foudres de ses parents. J'espère qu'il n'a pas un père comme le mien.

▬ Je comprends ce que tu as pu ressentir.

Je ne pense pas encore pouvoir lui raconter cette partie de ma vie. Cette humiliation, ce dégoût dans les yeux de mon père quand il me regarde. Ma mère qui m'évite depuis ce jour là. L'ignorance de mon frère. Trois ans sans nouvelles. J'ai beau être furieux contre mes parents, tout ce dont j'ai besoin est un peu de considération de leur part. Qu'ils me pardonnent d'être parti, qu'ils acceptent mon mode de vie et mes choix. Que je puisse vivre ma vie comme je l'entends, sans avoir peur de voir le jugement dans leurs regards. Parce que oui j'ai peur. Peur de les avoir définitivement perdu. Et je n'apprécierais pas que quelqu'un se permette des'en prendre à eux. Alors ce pardon de la part de Killian, je ne sais comment le remercier. C'est un homme bon. Comment ne pas tomber en émoi devant lui ?

▬ Merci de ne pas l'avoir mal pris.

Je ne veux pas qu'il pense que je suis une personne pleine de préjugés. Evidemment, je ne regarde jamais d'un bon œil quand je croise un convoi d'Audacieux. Toute mon enfance, mon père m'avait rabâché que seuls les Érudits étaient bons. Il avait souvent remis en cause le principe même des factions, glorifiant notre supériorité. Je me suis vite rendu compte qu'il n'était que haine, qu'il ne voulait que le pouvoir. J'ai rapidement appris que la liberté et l'égalité de chacun était primordial. Que nous étions tous semblables. Nos différences sont une force. Que la paix devait régner. C'est peut être pour cette raison que j'ai toujours eu du mal avec la barbarie et la violence d'un certain nombre d'Audacieux. Mais peut être qu'avec Killian, mon avis va changer.

▬ C'est juste que... je n'adhère pas aux principes des Audacieux. Alors, j'admets que lorsque j'en rencontre un, la communication a du mal à passer. Mais je sais qu'il y a de bonnes personnes partout. Tu en es la preuve.

Je lui souris sincèrement. Je ne cherche pas à le charmer, seulement lui dire la vérité. Je ne veux pas me cacher, et qu'il finisse par apprendre que j'ai du mal avec sa faction d'origine. Si je commence déjà à mettre des secrets entre nous, nous n'iront pas loin. Je crois en nous, et je dois tout faire pour toucher du doigt ce bonheur qui nous tend les bras.

Il me rend mon sourire, et je sais qu'il est sincère. Je ne sais pas s'il est capable de mentir, mais il y a quelque chose dans son regard, dans ses lèvres, ses gestes, qui le rend vrai. Mon sourire s'agrandit encore plus, hébété. Je me sens si idiot auprès de lui, mais c'est une incroyable sensation. Je me mordille légèrement les lèvres, touché. Il ne m'en veut pas. Je crois que je ne dois pas passer à côté de cette chance qu'il me tend.

▬ Ce n'est rien, c'est normal. Et je ne me voyais pas t'en vouloir pour avoir dit ce que tu pensais Jules. J'ai aussi eu du mal avec certains de leurs principes, c'est en partie pour ça que je suis parti.

J'acquiesce, comprenant. C'est principalement pour ces mêmes raisons que j'ai quitté les Érudits. Ça plus le test qui a révélé que j'étais un Fraternel. Mais au fond, j'étais soulagé de ne pas ressembler à mon père. Je ne voulais pas rester avec lui, et subir toute cette pression qui pesait sur moi depuis mon enfance. William avait plus de mérite. Si j'étais resté plus longtemps là-bas, j'aurais explosé. Je n'ai rien de ce petit fils à papa talentueux que mes parents désiraient. Mon frère, si. Alors partir fut la meilleure décision que j'ai pu prendre. Malgré toutes les conséquences. Malgré William. Malgré Ethan. Grâce à mon choix, j'ai rencontré Nathan. J'ai adopté Tango. Je suis devenu libre. Et surtout, je suis tombé sur Killian.

▬ Et lorsque j'ai découvert la bibliothèque de l'école, j'ai changé et je passais mon temps à lire. Si mes parents avaient sût, je crois que je me serais sacrément fait taper sur les doigts d'ailleurs.

Je hausse les sourcils, étonné. Bien sur, il est aujourd'hui médecin alors il a dut lire énormément pour avoir son diplôme. Mais, pour un Audacieux c'est moins anodin. Il aurait presque put devenir un Érudit. Je me souviens du temps que j'avais pu passé dans une Bibliothèque, petit. Mais rapidement, j'ai compris que je préférais vivre à l'extérieur, plutôt que rester enfermé à l'intérieur toute la journée. Je préférais les jardins fleuris que les bâtiments froids. Cependant, j'apprécie ce côté intellectuel chez lui. A croire que mes origines ne me quitteront jamais vraiment.

▬ Dire qu'avant l'âge de mes dix ans je passais mon temps à me battre...

Je me retiens de grimacer. C'est normal Jules, quand tu grandis chez les Audacieux, tu en a forcément quelques habitudes. Mais ce n'est rien. Aujourd'hui encore, je suis toujours un peu impulsif. Je fonce souvent la tête baissé pour défendre mes idées et mes proches. Mais, je préfère éviter de me battre. Mon père me répétait souvent que La violence est le dernier recours de l'incompétence. Il semble qu'il me l'ai intégré à vie dans le crâne. Faire mal par les mots, ça je suis bien meilleur. Et je suis loin d'en être fier. Parfois, je ferais juste mieux de me la fermer.

▬ Ne le prend pas mal. J'essaie simplement de t'en apprendre plus sur moi, et ça me passe par la tête.

Mon cour rate un battement, c'es est délicieusement douloureux. Je crois qu'il essaye de m'envoyer des signaux. Si là, je doute encore à savoir si je lui plaît, je devrais rapidement me faire une idée. Et puis, il ne m'aurais pas sauvagement embrassé tout à l'heure si ce n'était pas le cas. Mais il a l'air d'être timide, réservé, et probablement une personne qui doute souvent. Je dois lui faire comprendre à mon tour s'il n'avait pas déjà fait le lien. Et le rassurer. Je le prend comme il est.

▬ Je n'ai pas à te juger sur ton enfance. Nous avons tous commit des erreurs, et je suis le premier à avoir fauté.

Et je préfère d'ailleurs ne pas y penser. Quand le moment sera venu, j'accepterais de me confier à Killian, mais je suis loin d'être fier des relations que j'entretiens avec mon père. Je revendique ma bisexualité, mais je ne me suis toujours pas remit du regard inquisiteur de mon paternel. Cependant, si Killian s'ouvre à moi ainsi, je suis bien obligé de ne pas lui cacher indéfiniment mon passé. Si à son tour, il veut en apprendre plus sur moi, alors je verrais. C'est légitime que je lui réponde. En attendant, je veux le découvrir totalement. Je veux tomber encore plus sous son charme, si c'est possible de faire plus que ça.

▬ Je suis touché que tu t'ouvres de cette façon. J'ai vraiment envie de te connaître.

Je baisse les yeux sur la table, légèrement gêné. Pas honteux, juste nerveux. Je ne veux plus tourner autour du pot. On ne s'est peut être pas vu beaucoup de fois, mais c'est certain que je veux passer du temps avec lui. Que désormais, je ne ressens même plus l'envie de regarder quelqu'un d'autre. Il m'attire irrésistiblement. J'avance timidement ma main vers la sienne, et lui frôle les doigts. Je crois que je suis plus rouge que jamais, et pourtant je fini par poser ma main sur la sienne. Je le regarde de nouveau, dans les yeux cette fois-ci. Je veux lui montrer que je suis sincère. Qu'il peut se détendre maintenant, qu'il m'a déjà conquis.

▬ Et je suis prêt à t'accepter entièrement, qu'importe que tu sois un peu brutus, ou que tu passes ton temps à dévorer des livres. Parce que je sais que j'ai eu beaucoup de chance en te rencontrant. Parce que... quel que soit ton passé, tu me plais pour ce que tu es aujourd'hui. Et tu ne le serais pas si tu n'avais pas vécu tout ceci.

Je déglutis, peu sur de moi. Ce n'est pas une déclaration d'amour, car je n'ai pas vraiment de sentiments. C'est bien trop tôt. Mais c'est tout de même une sorte de déclaration, et ce n'est jamais simple à faire. Mais je ne veux plus avoir à cacher mes émotions quand mon cœur s'emballe, je veux pouvoir rougir sans être gêné, lui sourire avec les yeux pétillants sans que je ne me cache. Que ce soit réciproque ou non, maintenant il le sait. Et si nous nous embrassons de nouveau, je veux que ce ne soit pas une surprise. Que ce soit un vrai partage.

▬ Tu es très compréhensif. Je.. Je crois que je devrais arrêter de me prendre la tête pour dire ce que je pense. Et si je le fais, je devrais te dire que tu me plais aussi Jules. Énormément.

Mon cœur tambourine contre ma poitrine, et je dois avoir le sourire qui s'étire jusqu'aux oreilles. J'avais raison, mais l'entendre me le dire me fait un bien fou, je peux enfin me relâcher. Ma main sur la sienne se fait plus sûre. Je mêle même mes doigts aux siens, ce que je n'aurais jamais osé faire il y a quelques minutes. Mais cette soirée est riche en rebondissements, alors plus rien ne m'étonne. Qui sait ce qui peut encore se passer avant qu'il ne s'en aille. Quoi que, je trouve déjà que nous avons fait un grand pas en avant, autant ne pas trop se précipiter. Mais nous nous plaisons. Ça va bien plus loin qu'une simple attirance physique ou sexuelle. Ça n'a rien à voir avec ce que je ressentais pour Nathan. Ça me fait du mal de le dire comme ça, mais c'est bien plus semblable à Ethan. Je chasse cette pensée. Je me suis promis de ne pas dépendre de lui, désormais il s'agit de Killian.

▬ Mais si ça n'avait pas été le cas je crois que je n'aurais pas fait ce que j'ai fait tout à l'heure. Umh. Excuse-moi, je n'aurais peut-être pas dût dire ça.

Un sourire malicieux en coin, je ne peux qu'en apprécier le souvenir. Il n'a plus à être gêné en l'évoquant, car j'espère bien qu'il recommencera. Pourquoi nous en priver, désormais ? C'est étonnant à quel point il m'a mit à l'aise en peu de temps. Je crois que je craignais encore de ne pas lui plaire. Maintenant que je sais que je suis sur le bon chemin, je suis plus détendu. Mais rien est encore gagné, je dois le charmer jusqu'au bout. Je réfléchis déjà à notre prochain rendez-vous, à ce que je pourrais bien faire pour le surprendre. Cette fois, je ne dois pas faire tarder notre rencontre. Pas après cette déclaration. Je ne pourrais pas attendre de toute façon. C'est dingue comme il pourrait faire ce qu'il veut de moi.

▬ Oh et tu sais, j'ai passé l'âge d'être brutus... En quelque sorte.

J'ouvre grands les yeux, incertain d'avoir bien saisi le sens de sa phrase. Il ne peut pas avoir dit ça ainsi, c'est moi qui ai mal interprété. Ou bien lui aussi est plus à l'aise, et dans ce cas c'est radical. Le timide et mystérieux Killian se dévergonde, et ce n'est pas pour me déplaire. Serait-il plutôt...  Dominant ? Non Jules, ce n'est vraiment pas le moment de penser à ça, ressaisis-toi. Je me concentre sur mon assiette, m'obligeant à fixer mes pâtes plutôt que d'imaginer le corps en sueur de Killian. Je me racle la gorge, me donnant une certaine contenance. Ne pas relever, ne pas relever.

▬ J'en... j'en suis touché. Et ravi.

En fait, ça me plaît. Ce petit côté taquin chez lui. Taquin, et coquin. D'ordinaire, je suis tout autant espiègle. Mais, je crois que lui m'intimide. J'ai envie d'être sérieux, ne pas faire d'erreur. Il ne s'agit pas d'une simple relation sans lendemain, cette fois je veux faire des efforts. Killian mérite que je me prenne en main. Je ne peux pas le laisser passer. Alors c'est vrai que le mettre dans mon lit est loin d'être la première idée qui me vient quand je le regarde. Je préfère être au petits soins pour lui afin de lui plaire. Mon bonheur ne passe plus en premier, maintenant tout ce que je veux, c'est qu'il soit heureux.  

▬ Ne t'en fais pas, j'ai... beaucoup apprécié cette prise d'initiative. Et si ça t'as plût aussi alors... j'en suis enchanté.

Et j'adorerais recommencer. Ses lèvres sont d'une douceur et d'une délicatesse sans égales. Je sens encore son souffle chaud se mêler au mien, à tel point que j'en frémi délicieusement. A force de l'imaginer contre moi, la situation va devenir gênante. Surtout s'il en rajoute à faire certaines allusions qui, c'est certain, ne me déplaisent pas.

▬ Ne dis pas ça de cette façon, mon esprit mal placé commence à l'interpréter et... bon, tu comprends.

Je ris nerveusement, les joues cramoisies. Je crois qu'il est temps de passer au dessert avant que ça ne dérape. J'attrape de nouveau ma fourchette et termine rapidement - un peu trop peut être. Je commence à vraiment me faire pitié.